Zouglou contre ndombolo

Publié le 25 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Connaissez-vous l’histoire du « vieux de chez nous qui prend son âge pour un diplôme » et se permet d’être asocial dans les bus ? Ou celle de cette bande de voleurs qui braquent une concession en criant : « Le premier qui bouge, on tire. Le premier qui tire, on bouge ! » Ou encore celle du musicien à succès qui prend conscience de son statut d’artiste « aux oeufs d’or » ? Une chanson dotée d’un refrain digne des plus grands standards du rock : « Premier gaou n’est pas gaou ». Ces textes du groupe Anti-Palu, du chanteur Petit Denis et du célèbre combo Magic System sont quelques-unes des perles qui enchantent aujourd’hui les mélomanes africains. Le zouglou ivoirien résonne désormais dans les maquis de Dakar ou les cabarets de Yaoundé, sur les scènes de Conakry ou de Libreville. Peut-être pas dans les ngandas de Brazzaville ou de Kinshasa. On le sait, le Congolais est très fier de sa culture, et notamment de la rumba et de ses succédanés (soukouss, ndombolo). Elle est toujours, à leurs yeux, la plus belle du monde et du continent, la plus forte. Voire…

La longue litanie des stars congolaises constitue, à elle seule, la mémoire collective vivante de l’Afrique subsaharienne : Kabasele et l’African Jazz d’abord, puis Franco, Tabu Ley, Pepe Kalle, Zaïko Langa Langa, Papa Wemba, Koffi Olomidé, et maintenant la Wenge génération (Werra Son, JB Mpiana, etc.). Est-il bien utile de revenir sur ce cocktail tonitruant de rythmes bantous et de feeling afro-cubain ? Ces riches heures ne sauraient pourtant masquer cette évidence : le règne sans partage de cette musique, qui s’exerçait depuis les années 1950, a pris fin. La carrosserie a parfois encore belle allure – on pense notamment à ce classique du ndombolo, « Solo la bien », de Wenge Musica et à certaines chansons de Papa Wemba ou Koffi Olomidé. Toutefois, le moteur connaît des ratés : les lancements (ou dédicaces) sans fin des vedettes du ndombolo, les piaillements des animateurs sur des boucles rythmiques et harmoniques totalement anémiques commencent à lasser l’amateur… et les ventes de disques s’en ressentent. Ainsi, l’avant-dernier album de Koffi, Effrakata, a péniblement passé le cap des 10 000 exemplaires en France.
Peut-être parce qu’il est en phase avec une Afrique qui se démocratise tant bien que mal, le zouglou, sorte de rap sauce gombo, a jailli de l’effervescence estudiantine du campus de Yopougon, en Côte d’Ivoire, à la fin des années 1980. Il est le produit de la fée électricité et du métissage ivoirien : à la base, des rythmes bétés, mais un nom d’origine baoulé (qui viendrait de l’expression « O ti lê zouglou », traduisez par « rassemblés comme des ordures » !). Et il a déjà accompli un exploit, avec le fameux « Premier Gaou » du Magic System, tube sur le continent (plus de deux millions de cassettes écoulées) et en France (200 000 albums), entre 1999 et 2003. Un tir groupé que n’a jamais réussi une vedette congolaise.

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Feu de paille ou début d’une marée inexorable ? Trop tôt pour le dire… Une chose est sûre : le zouglou a d’ores et déjà imposé un style de chronique sociale, moins lourd que le rap ou le reggae parce que très souvent marqué du sceau de l’humour. Un monde en opposition avec la chanson amoureuse dont les vedettes kinoises se sont fait les porte-parole.
Seul handicap pour nos p’tits gars d’Abidjan, la crise ivoirienne qu’ils ont interpellée avec courage mais qui, depuis près d’un an, plonge le show-biz local dans le marasme. Cela dit, notez qu’« en face », on « polémique », on s’injurie copieusement par chansons interposées et que l’on se sent gêné aux entournures par l’affaire Wemba… Bref, aimez-vous les séducteurs ou les empêcheurs de faire de la politique en rond ? Mais à quoi bon trancher ? De ce choc des deux courants musicaux dominants, on veut espérer une saine émulation. Pour le plus grand bonheur du mélomane.

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