Une Afrique sépia

Peter Beard a été le premier à élever le carnet de voyage au rang d’oeuvre d’art. Retour sur un parcours d’un demi-siècle.

Publié le 25 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Peter Beard, c’est l’animiste de la photographie moderne. La galerie Kamel Mennour, à Paris, a présenté jusqu’au 31 juillet 2003 une rétrospective de l’oeuvre de l’artiste. Une exposition intitulée « Living Sculptures », qui a permis de redécouvrir la vie et les multiples talents de cet amoureux fougueux de l’Afrique.
Peter Beard voit le jour le 22 janvier 1938, à New York, dans une famille aisée originaire du Minnesota. Son grand-père paternel, J. J. Hill, est le fondateur de la compagnie de chemins de fer The Great Northern Railroad, et son père, Anson McCook Beard, est militaire dans l’armée de l’air. Rien ne paraît destiner Peter Beard à devenir le photographe que l’on connaît. Pourtant, sa passion pour la vie et les animaux sauvages naît alors qu’il n’a que 6 ans. À cette époque, il adore déjà le National History Museum, et surtout l’African Hall.
Dès 1948, en vacances avec sa famille à Islip, Long Island, sa mère l’initie à la rédaction d’un journal intime. Au fil des ans, les « diaries » de Peter Beard vont devenir des oeuvres d’art : ils associent photographies, textes et documents de diverses natures. Ainsi, les souvenirs d’une vie à l’occidentale se mêlent aux objets d’initiation massaïs, tandis que ses mains et ses pieds impriment des traces de sang et de poussière africaine…
En 1955, le jeune homme débarque pour la première fois sur le continent africain, après avoir lu, pendant la traversée, Out of Africa (La Ferme africaine) de la célèbre romancière Karen Blixen. Ses journaux sous le bras, fraîchement diplômé de l’université de Yale (section Histoire de l’art), il va chercher à faire la connaissance de la baronne Blixen. Elle le reçoit chez elle, à Rungstedlund, au Danemark. De cette rencontre naîtra une profonde amitié, qui marquera Beard pour la vie. À sa mort, Karen Blixen lui lèguera ses archives.
En 1961, Peter Beard s’installe près de Nairobi, à Hog Ranch, au pied des Ngong Hills, non loin de la ferme de Karen Blixen, avec pour hôtes privilégiés animaux et amis. Ses premiers combats pour la faune africaine, il les réalise armé d’un appareil photo : « La photographie est un bon moyen de clouer l’erreur au pilori. » En 1964, il fournit un important travail documentaire sur les problèmes de territoire de l’éléphant africain, qu’il poursuivra en étudiant les mouvements des hippopotames, puis la disparition des crocodiles au Kenya. Depuis trente-cinq ans, fidèle au souvenir de son inspiratrice, il ne cesse d’explorer les relations complexes qui lient l’homme et le monde animal, et témoignent de la lutte de chacun pour s’adapter à un environnement en perpétuelle mutation. Même après avoir été blessé par un éléphant, près de la Tanzanie, le 9 septembre 1996. À travers sa propre expérience et à grand renfort d’archives, il retrace l’histoire de la vie sauvage africaine dans ce qu’elle a de plus quotidien et de plus tragique.
The End of the Game (La Fin d’un monde) est le résultat de ce travail passionné. L’ouvrage, paru en 1965, est un hymne à l’Afrique millénaire, avec ses peuples, ses espaces immenses, ses grands fauves et ses innombrables raretés. C’est aussi un hommage à d’audacieux voyageurs, explorateurs, missionnaires et chasseurs tels que Theodore Roosevelt, Ernest Hemingway ou encore J. H. Patterson, l’ingénieur des chemins de fer qui se rendit célèbre en chassant les lions mangeurs d’hommes du Tsavo. Plus de 300 photographies bouleversantes, ainsi que de nombreux dessins exécutés par Kamante Gatura, le majordome de Karen Blixen, illustrent la beauté de ce qui fut et ne sera plus : un paradis perdu.
Mais si Peter Beard est un aventurier de la brousse africaine, il n’en est pas moins un dandy. De New York à Paris, il côtoie de grands artistes tels Francis Bacon, Andy Warhol, Truman Capote, Salvador Dali, les Rolling Stones… Mythe de la photographie de mode et des voyages mondains, il se plaît à photographier les plus belles femmes, dont les top models Janice Dickinson, Magritte Rammi, Khadija, ou encore Danielle Luna, pour Playboy, Paris Match, Elle, Photo…
Peter Beard reste un artiste inclassable. Il expose aujourd’hui dans le monde entier des tirages qu’il ne cesse de retravailler, comme ses célèbres carnets, et possède sa propre galerie, The Time Is Always Now, dans Soho, à New York. Exploser les cadres, rendre unique chaque épreuve, multiplier les instants, se placer hors du temps, voilà ce qui guide Peter Beard.

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