RDC : à Kinshasa, la précarité des énarques s’étale au grand jour
Plusieurs dizaines d’énarques ont manifesté jeudi à Kinshasa pour réclamer le versement de « frais de prise en charge », en attendant d’être intégré à la fonction publique. Le signe d’une crise profonde au sein de l’École nationale d’administration, qui a été relancée en 2013 en RDC.
« L’État nous a promis le ciel, mais une fois arrivé ici, après notre diplôme, c’est en fait l’enfer qu’on nous réserve ! Comment peut-on se réveiller sans rien dans les poches ? », s’interroge Éric Mwepu, la vingtaine, venu de Bunia, dans le nord-est du pays, pour suivre ses études à l’École nationale d’administration (ENA) de RDC à Kinshasa.
Avec plusieurs dizaines d’autres énarques et jeunes diplômés de l’emblématique établissement, Éric a manifesté jeudi, sifflets et banderoles en mains, devant le quartier général de la fonction publique à Kinshasa.
« Frais de prise en charge »
Depuis la fin de leur formation, en septembre 2018, Éric et ses 102 collègues de la promotion « Mandela » – la quatrième depuis la création de l’École – n’ont pas reçu les « frais de prise en charge » promis par l’État pour leur permettre de faire face aux dépenses du quotidien, en attendant d’intégrer la haute fonction publique. Ils ont réclamé au gouvernement une « mesure exceptionnelle » : débloquer une enveloppe permettant de verser mensuellement les 850 000 francs congolais (environ 461 euros) qu’ils sont censés recevoir.
Reçus par Michel Bongongo, ministre de la Fonction publique, ils n’ont pas obtenu gain de cause. « Le budget 2019 ne sera appliqué qu’à partir du deuxième trimestre [pas avant le mois avril, ndlr], car la chaîne des dépenses pour 2018 a déjà été clôturée », détaille à Jeune Afrique un conseiller du ministre de la Fonction publique.
Fondée dès l’indépendance, l’École nationale de droit et d’administration (ENDA) avait fermé ses portes onze ans plus tard. Le projet avait refait surface, en 2007, dans la foulée de l’arrivée de l’élection de Joseph Kabila. Mais, faute de moyens, il n’a jamais été mené à son terme.
Relancée par les autorités congolaises en 2013, grâce à l’appui de la Banque mondiale et Expertise France – l’agence française d’expertise technique internationale -, l’ENA de Kinshasa entend calquer le modèle de l’ENA française. Outil de promotion de la « méritocratie », elle se donne pour objectif de former les agents de carrière des services publics de l’ État.
« Apprendre à se serrer la ceinture »
Séduit par ces perspectives, il sont nombreux, comme le jeune Éric Mwepu, à avoir décidé de quitter le secteur privé pour rejoindre la fonction publique où ils espèrent un meilleur salaire et la sécurité de l’emploi. Mais dans les faits, les difficultés financières s’accumulent depuis plusieurs mois, pointe selon Salomon Omelungu, le délégué principal de la quatrième promotion de cette école.
Nous risquons de brader l’image de l’énarque congolais
« Cela fait deux semaines que je ne suis pas allé au boulot par manque d’argent pour les transports. Nous avons été formés ici, au pays. On a effectué un stage à l’étranger, mais nous avons du mal à survivre », précise ce jeune Congolais, formé durant 12 mois à l’ENA. « La précarité peut ouvrir à d’autres problèmes. Si nous continuons comme ça, nous risquons de brader l’image de l’énarque congolais », regrette cet ancien élève de l’école, ayant pour devise « servir l’État avec intégrité, compétence et patriotisme ».
Avant d’être installés dans la fonction publique d’ici quelques mois, « ils doivent apprendre à serrer la ceinture comme tout fonctionnaire », fait observer le même conseiller du ministre, pour qui ces jeunes ont profité « d’un luxe que plus d’un fonctionnaire voit d’un très mauvais œil ».
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