Trois questions à Ibrahima Sylla

Publié le 25 août 2003 Lecture : 2 minutes.

J.A./L’INTELLIGENT : Pensez-vous que les professionnels ont raison de s’inquiéter de l’état du marché du disque africain ?

IBRAHIMA SYLLA : Oui, les choses vont mal. Plusieurs facteurs ont contribué à anéantir le marché. Depuis vingt ans, des gens ont bâti leur fortune en piratant à grande échelle les artistes africains. Tout le monde connaît les usines qui fabriquent ces copies en Tanzanie, au Togo, au Liberia et en Angola. Mais sans soutien politique, que pouvons-nous faire ? Quand Air Afrique existait, on réussissait parfois à battre de vitesse les pirates en écoulant, grâce aux stewards, jusqu’à 5 000 CD par jour sur l’Afrique. Enfin, la crise ivoirienne est une catastrophe pour nous : elle représentait 30 % du marché ouest-africain. En France, nos ventes se portent de plus en plus mal. Heureusement que l’Amérique du Nord et des pays comme l’Allemagne commencent à bouger. Mais le marché est très fragile.

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JAI: La situation ne semble pas plus stable pour les artistes qui ont signé chez les majors.

AS: À la signature, on leur promettait des ventes par millions. Mais on leur a collé des producteurs anglo-saxons qui n’avaient pas la sensibilité nécessaire pour traiter ces musiques-là. Non seulement ils n’ont pas séduit le public « blanc », mais en plus leur public naturel ne se retrouve plus dans leurs oeuvres. Ces artistes ont manqué de personnalité et d’audace pour faire respecter la quintessence de leur travail. En « volant » nos artistes, ces majors ont causé du tort à notre musique. Que ce soit Ismaël Lô, Salif Keita, Mory Kanté ou Youssou Ndour, leurs meilleurs albums restent ceux qu’ils ont faits avec nous. C’est clair, les majors ont échoué.

JAI: Que doivent faire ces artistes à présent ?

IS: À mon avis, ils n’ont pas leur place dans ces sociétés industrielles. Il n’y a personne pour s’occuper de leur carrière à long terme. Quand vous êtes dans la même maison de disque que Manu Chao, qui vend jusqu’à 4 millions de disques, vous n’intéressez personne avec vos 80 000 exemplaires. Très vite, on vous jette. Nous ne devons avoir recours aux majors que pour leur force de vente, et contrôler nous-même la production. Ce qui ne veut pas dire que je suis contre le métissage musical, bien au contraire.

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