Quand l’Algérie se met au rap

Publié le 25 août 2003 Lecture : 2 minutes.

«Je parle des enfants qui ont été calcinés/Et de mes soeurs qui ont été violées. » Il y a dix ans, en Algérie, les auteurs de ces rimes virulentes remplissaient les salles de concert dans la clandestinité. Aujourd’hui, en France, tous les amateurs de rap connaissent les Intik. En argot algérois, cela veut dire « ça baigne ! ». Une formule à la fois ironique et sincère, en dissonance avec l’âpreté de la réalité qu’ils décrivent, mais en accord avec leur volonté obstinée de vivre libres. Une volonté née sur les cendres des manifestations populaires d’Alger, en octobre 1988. Réda, Nabil, Samir et Youcef ont alors entre 10 et 14 ans. Comme des milliers de jeunes, ils répondent aux gaz lacrimogènes du régime par des cocktails Molotov. La répression est sanglante. Ils sortent transformés de cette expérience. « C’est ce qui a provoqué l’envie de parler. On a vu des scènes qu’on ne pourra jamais oublier », raconte Youcef. Dès ce moment, tous les moyens sont bons pour faire entendre leur engagement : « À chaque concert de chaabi (chanson populaire algérienne), nous allions voir les chanteurs et, sans en parler aux organisateurs, on leur demandait de nous laisser quelques minutes sur scène », se souvient encore Youcef. Lorsqu’ils viennent en France pour la première fois, en 1988, invités par Imhotep, l’un des membres du groupe de rap marseillais IAM, les quatre MC’s algérois étonnent par leur prestance scénique. Depuis, deux albums sont sortis Intik en 1999 et La Victoire en 2001, rafraîchissant à chaque fois le paysage insipide d’un rap français devenu répétitif. Familles brisées, violence policière, système mafieux… autant de thèmes qui inspirent des textes incisifs mais jamais misérabilistes. S’ils dénoncent, ils invitent aussi au pacifisme et à la fraternité, même si, « à chaque fois que j’prenais le métro on m’regardait comme un voleur », chante Youcef lorsqu’il décrit son arrivée en France. Quelques morceaux de pur reggae viennent réchauffer la sombre atmosphère de leur rap subtilement teinté de hip-hop, ragga, raï et chaabi. Un mélange musical à l’image de leur message : doux-amer.

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