La machine repart

Fini les spéculations sur les risques de déflation, l’économie américaine redémarre. Ainsi que celle du Japon. L’Europe, elle, patine.

Publié le 25 août 2003 Lecture : 4 minutes.

La reprise économique mondiale est-elle au coin de la rue ? Les Bourses du monde entier le croient, elles qui ont retrouvé leur niveau de l’automne 2002, en dépit de la pneumonie atypique, de la panne électrique géante en Amérique du Nord ou de la recrudescence des attentats à Bagdad, à Djakarta ou en Israël. Les analystes sont moins enthousiastes que les boursiers, mais ils pensent, eux aussi, que le pire est derrière nous.
Fini donc les spéculations du début de l’été sur les risques de déflation, cette redoutable spirale de baisses des prix et des salaires qui aurait pu enclencher une dépression économique majeure ! Les autorités de la planète n’y croient plus et ne se soucient plus que de conforter, voire d’accélérer, le redémarrage en cours de leurs économies. Car deux des trois « moteurs » que compte le monde sont, à l’évidence, repartis : les États-Unis ont retrouvé leur rôle de locomotive talonnés, à la surprise générale, par le Japon en raison de l’atonie persistante en Europe.

États-Unis: Elle n’est par repartie bien vite la machine américaine, en tout cas pas dès la fin officielle des hostilités en Irak, décrétée le 1er mai par George W. Bush. Question de défiance à l’égard d’un futur difficile à discerner. Car les indices ne cessent d’envoyer des messages contradictoires : le 18 août, ils réjouissent les investisseurs parce qu’ils disent que les mises en chantier de logements ont atteint 1,872 million d’unités, soit leur plus haut niveau depuis dix-sept ans, alors que les experts s’attendaient à 1,790 million ; le 19 août, l’Université du Michigan tempère l’enthousiasme général en faisant apparaître un recul inattendu de son indice de confiance des consommateurs américains.
Il ne faut pas se laisser impressionner par ces zigzags statistiques qui trahissent un dynamisme encore faible. En revanche, il est incontestable que les indicateurs vont dans le bon sens et montrent une progression plus forte que prévu des ventes de détail en juillet et en août, un déficit commercial en recul en juin, un chômage qui n’augmente plus et, surtout, une croissance qui a atteint 2,4 %, en rythme annuel, au deuxième trimestre 2003. Ajoutez au panorama les déclarations de la Réserve fédérale qui se dit prête à utiliser ses immenses capacités financières pour maintenir les taux au plus bas, et vous comprendrez pourquoi le cours du dollar a remonté et pourquoi l’indice Dow Jones de Wall Street est au plus haut depuis quatorze mois. L’économie des États-Unis a redémarré.

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Japon: On ne promettait pas une année 2003 bien brillante au pays du Soleil-Levant. Handicapé par une montagne de créances douteuses héritée de la « bulle » immobilière et boursière du début des années 1990, le Japon est à la traîne depuis une décennie et frôle en permanence la déflation et la récession. Démentant les prévisions pessimistes qui annonçaient un nouveau recul de leurs investissements, les grandes entreprises nippones ont prévu au contraire de les augmenter de 4,8 % en 2003. Les commandes de biens d’équipement ont crû de 12,1 % sur un an, en juin, après une progression de 12,2 % en mai. Le taux de chômage a reculé de 5,4 % à 5,3 %, également en juin. En apprenant que le Produit intérieur brut (PIB) avait augmenté au deuxième trimestre de 0,6 % au lieu de stagner, la Bourse de Tokyo a retrouvé son niveau d’il y a un an, et le gouvernement Koïzumi table désormais sur une croissance de 2 % en 2003. Le bout du tunnel n’est plus très loin.

Europe: À côté de ces regains en Asie et en Amérique, l’Europe fait pâle figure. Sa production industrielle a encore reculé (- 0,1 % en juin par rapport à mai) ; son rythme de croissance est de zéro. Sont entrés en récession l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie. La France, elle-même, qui faisait de la résistance, a vu son PIB reculer de 0,3 % au deuxième trimestre. Cette morosité s’explique par la hausse du cours de l’euro qui a nui aux exportations européennes, mais aussi par l’agitation sociale autour des réformes de la protection sociale qui a entravé la production en Allemagne, en France et en Italie. Et les statistiques ne prennent pas encore en compte les séquelles de la vague de chaleur et de sécheresse qui a affecté une bonne partie de l’Union européenne…
Pourtant, quelques frémissements se font sentir sur le Vieux Continent, notamment en Allemagne. L’institut ZEW a annoncé, le 19 août, que son indice des anticipations économiques en Allemagne poursuivait sa hausse (+ 10,6 points par rapport au mois de juillet), « renforçant l’hypothèse d’une reprise économique au début de l’an prochain ». IFO, un autre indice mesurant le climat allemand des affaires, a confirmé cette convalescence en atteignant en juillet son plus haut niveau depuis un an. À Francfort, les boursiers ont donc joué la carte de la reprise, et les cours des actions allemandes ont repris le chemin de la hausse plus vite et plus fort qu’à Paris ou à Londres.

Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais plusieurs le rendent très vraisemblable. Les acteurs économiques ne devraient pourtant pas succomber à une euphorie prématurée. La situation au Moyen-Orient et le renouveau du terrorisme continueront de mettre à rude épreuve la confiance des investisseurs. Le pétrole est abondant dans le monde, mais la fixation irrationnelle sur la production irakienne peut faire craindre une pénurie dans la phase de reprise qui s’amorce et pousser les cours à la hausse. Les achats massifs de bons du Trésor américain par les Banques centrales chinoise et japonaise sont en train de faire remonter le dollar, ce qui risque de gêner les exportations américaines et de creuser encore le formidable déficit commercial des États-Unis. L’inéluctable remontée des taux bancaires pourrait aussi gêner aussi bien la consommation des ménages US que les investissements des entreprises.
On le voit, beaucoup d’aléas affectent encore la croissance économique mondiale et les rechutes ne sont pas à écarter dans telle ou telle zone. Oui, la reprise est là, mais le consensus des experts s’attend à ce qu’elle soit progressive, plutôt molle même, et qu’elle ne fasse sentir ses bienfaits qu’en 2004.

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