La guerre ou le gaz

Bloqué depuis le déclenchement de l’Intifada, le projet Gaza Marine constituerait un parfait exemple de coopération entre les deux pays.

Publié le 25 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Le 27 septembre 2000, Yasser Arafat en personne s’était rendu au large de la bande de Gaza pour officialiser la découverte d’un gisement de gaz naturel, présenté comme « un cadeau de Dieu » au peuple palestinien. Le lendemain, la visite d’Ariel Sharon, alors chef de l’opposition, sur le site sacré du mont du Temple – l’esplanade des Mosquées pour les musulmans – déclenchait la seconde Intifada.
Otage du conflit israélo-palestinien depuis près de trois ans, le projet Gaza Marine nourrit aujourd’hui beaucoup d’espoirs dans la « feuille de route », le plan de paix soutenu par les États-Unis. Pour ses défenseurs, il permettrait de renforcer des liens économiques mis à mal par trente-quatre mois de carnage. « Israël a besoin de gaz, les Palestiniens en ont et veulent le vendre », résume John Field, le dirigeant israélien de BG Group PLC, la compagnie britannique détenant une licence sur le gisement. Toujours selon John Field, ce serait là « un parfait exemple de coopération transfrontalière ». Pour d’autres, en revanche, la méfiance entre les protagonistes est aujourd’hui telle que toute collaboration de ce type semble exclue.
BG, pour sa part, affirme ne pas vouloir développer Gaza Marine avant d’être assuré de pouvoir vendre l’essentiel du gaz palestinien à Israël. Mais Ariel Sharon, devenu entre-temps Premier ministre de l’État hébreu, a jusqu’à présent refusé de soutenir le projet, invoquant des raisons de sécurité. Yosef Paritzky, le ministre israélien de l’Infrastructure, se dit, pour sa part, favorable à un accord tout en comprenant les réserves d’Ariel Sharon : « Nous craignons que les royalties ne servent à financer la terreur. […] Nous devons trouver un mécanisme garantissant que l’argent ne sera pas détourné au profit de quelque organisation terroriste. »
En attendant, chez BG, l’impatience est palpable. Pour John Field, « le moment est venu de prendre une décision ». Le Premier ministre britannique Tony Blair a d’ailleurs invité Ariel Sharon à changer d’avis lors de la visite de ce dernier à Londres, mi-juillet. Côté palestinien aussi, on commence à trouver le temps long. Le 1,6 billion de pieds cubes de gaz que renferme le gisement constitue la seule ressource naturelle de l’Autorité palestinienne. Celle-ci estime qu’elle pourrait en tirer entre 50 millions et 100 millions de dollars (entre 44,7 millions et 89,5 millions d’euros) par an. Sachant qu’à la fin de l’année dernière, ses revenus mensuels ne dépassaient pas 18 millions de dollars… L’exploitation du gisement devrait par ailleurs lui permettre de réduire considérablement sa facture énergétique en substituant son gaz naturel au pétrole qu’elle doit importer pour alimenter la centrale électrique de Gaza.
Attirer une compagnie occidentale aussi importante que BG est éminemment prestigieux pour une Autorité palestinienne qui n’a suscité que peu d’intérêt chez les investisseurs étrangers, surtout depuis le début de la seconde Intifada. De 1,45 milliard de dollars en 1999, l’investissement annuel total en Cisjordanie et à Gaza est tombé à 150 millions de dollars en 2002, soit une chute d’environ 90 %. Les Britanniques se proposent, eux, d’investir 400 millions de dollars. Ils pomperaient le gaz de Gaza Marine et des gisements voisins sur lesquels ils détiennent des licences – aussi bien dans les eaux territoriales israéliennes que palestiniennes – puis l’achemineraient jusqu’à leurs installations de transformation, encore à construire, dans le port israélien d’Ashkelon. L’entreprise étatique Israel Electric Corp (IEC) s’est d’ores et déjà dite intéressée par l’achat de 52,5 milliards de pieds cubes de gaz par an sur les quinze prochaines années. Mais pour l’heure, BG attend une lettre d’intention d’IEC, qui elle-même déclare attendre le feu vert d’Ariel Sharon.
Ironie de l’histoire, le gaz naturel palestinien surgit à point nommé pour Israël, dont les besoins devraient tripler d’ici à 2025, l’État hébreu remplaçant ses centrales électriques, qui fonctionnent au pétrole et au charbon, par des turbines à gaz, moins chères et plus efficaces. Le pays a déjà signé un contrat avec Yam Thetis, un consortium américano-israélien qui vendra à IEC le gaz du gisement qu’il explore au nord de Gaza. Mais IEC entend bien diversifier son approvisionnement. Le conflit israélo-palestinien avait amené Le Caire à suspendre un accord sur la fourniture de gaz égyptien. « IEC souhaite ouvrir des négociations avec un second fournisseur – que ce soit l’Égypte ou BG, cela n’a pas d’importance », a précisé Joseph Dvir, vice-président de la compagnie israélienne.

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