En manque d’investisseurs

Richesses naturelles, main-d’oeuvre abondante… Malgré ses nombreux atouts, le marché local peine encore à attirer les capitaux étrangers. Décryptage.

Publié le 25 août 2003 Lecture : 5 minutes.

Des richesses naturelles considérables, une main-d’oeuvre jeune et abondante, et pourtant : l’Algérie ne parvient toujours pas à faire décoller les investissements étrangers. Paradoxalement, le pays représente un marché très convoité. Ses principaux partenaires à l’importation et à l’exportation demeurent la France, en première position, l’Espagne, l’Italie, les États-Unis et l’Allemagne. Le programme économique du Premier ministre Ahmed Ouyahia prévoit, comme celui de son prédécesseur Ali Benflis, de parachever le dispositif réglementaire du Code des investissements d’août 2001. Ouyahia compte, notamment, sur l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI), et prévoit d’alléger les charges qui pèsent sur les entreprises.
Quels sont les facteurs qui découragent l’investissement en Algérie ? La relative instabilité politique, qui dure depuis plus d’une décennie, est souvent citée en premier lieu. Depuis son élection en avril 1999, le président Abdelaziz Bouteflika a nommé successivement deux Premiers ministres, et limogé certains membres de son gouvernement – Abdelhamid Temmar, ministre des Privatisations, Abdelatif Benachenou, ministre des Finances qui a, depuis, retrouvé son poste -, des walis (préfets), des chefs de daïra (sous-préfets) et des maires. « C’est un peu beaucoup en un seul mandat », estiment des observateurs étrangers. Et l’approche de l’élection présidentielle d’avril 2004 n’améliore pas les choses.
Première conséquence de ce climat : la Banque mondiale a récemment gelé tous ses programmes d’assistance financière à l’Algérie jusqu’après l’élection présidentielle. L’institution monétaire internationale a dressé un réquisitoire sévère contre le projet pour l’investissement en Algérie, avant d’adoucir le ton. Dans une récente enquête menée auprès de six cents entreprises et d’une cinquantaine de groupes d’investissements étrangers, la Banque mondiale a relevé plusieurs entraves : bureaucratie tatillonne, services publics obsolètes, absence d’une politique du foncier industriel, jugé très spéculatif, ou encore taxes douanières très élevées.
Autre obstacle, et non des moindres : les difficultés dans l’octroi des crédits d’investissements. Parmi elles, les lenteurs excessives dans le traitement des demandes, l’exigence de garanties et le taux élevé des crédits bancaires, sans oublier les lenteurs du système bancaire. « Pour encaisser un chèque dans la même banque que mon partenaire, j’ai dû attendre trois semaines. Vous imaginez le temps que cela doit prendre d’une banque à une autre, d’une ville à une autre ou d’un pays à un autre », explique un opérateur local. L’enquête de la Banque mondiale montre que 70 % des entreprises ont eu recours à l’autofinancement et seulement 18 % ont pu bénéficier d’un prêt bancaire. Même la Commission européenne est déçue par l’état d’avancement des réformes économiques en Algérie. Son président, Romano Prodi, l’a dit lui-même après sa visite de travail les 30 et 31 mars dernier à Alger (l’Union européenne et l’Algérie avaient conclu, en 2001, un accord euro-méditerranéen permettant la création d’une zone de libre-échange douze ans après son entrée en vigueur). Un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) classe au 111e rang mondial dans le domaine de la performance des investissements directs étrangers, pour les années 1998 à 2000, et à la 96e place pour l’index du potentiel des investissements directs étrangers.
Malgré ces mauvais résultats, la France conforte sa présence sur le marché, essentiellement dans les secteurs de l’aéronautique et de l’eau. La compagnie Air Algérie a choisi le consortium Airbus pour le renouvellement de sa flotte, un marché accaparé depuis une vingtaine d’années par l’américain Boeing. Pour le secteur de l’eau, le groupe Saur a déjà obtenu le marché de la réfection du réseau de distribution d’Oran, et il est prévu que Ondeo-Degrémont réalise un audit sur la gestion de l’eau à Alger.
Le groupe Michelin a, quant à lui, repris ses activités. Il dispose, depuis le 12 août, d’un siège à Hussein-Dey, dans la banlieue d’Alger. Durant la décennie noire du terrorisme, la société française des pneumatiques avait quitté ce pays où elle a ouvert une usine. Cibles des extrémistes islamistes, de nombreux investisseurs étrangers ont dû fuir l’Algérie. Michelin, qui emploie sur place 520 personnes, produit 250 000 pneumatiques pour poids lourds par an, dont 40 % destinés au marché local et 60 % à l’exportation.
Les laboratoires Fournier ont créé, l’an dernier, une filiale en Algérie. La société spécialisée en chirurgie ophtalmique Eurocrystal vient de faire de même. Son capital est détenu à hauteur de 30 % par la société française, 30 % par le partenaire industriel algérien et 40 % par les médecins locaux.
De nombreux opérateurs économiques étrangers s’accordent à dire que le grand problème du marché algérien demeure la distribution : un réseau rudimentaire, quasi inexistant. Des sociétés tentent de contourner cet obstacle : c’est le cas de la marque française de cosmétiques Arcancil qui vient de constituer son propre réseau. Présente, depuis le début de l’été, à travers trente points de vente dans l’Oranie, la société compte s’implanter, d’ici à septembre, à Alger, puis dans d’autres villes.
Côté allemand, Deutsch-Algerische Business Services (DABS) fournit des services sur mesure à ses compatriotes investisseurs et exportateurs ainsi qu’aux acteurs algériens. Il est composé d’experts financiers indépendants et d’exportateurs expérimentés dont le focus se limite au marché germano-algérien. « Les Allemands sont intéressés essentiellement par les secteurs des machines-équipements, de la construction, de l’énergie (centrale électrique), de la chimie et de la pétrochimie », affirme Nabil Frik, membre d’honneur de DABS. La société Henkel (marque Persil) a créé, en partenariat avec l’Entreprise nationale algérienne de détergents et de produits d’entretien (Enad), une filiale en Algérie (marque Teldj). Cela représente un investissement total de 120 millions d’euros. Présente depuis trois ans sur le marché, cette société germanophone a su augmenter son chiffre d’affaires en offrant une large palette de produits. Elle s’impose aujourd’hui comme leader, pour certains d’entre eux. Dans le secteur du pétrole, la société Linde Gas fabrique de l’hélium en joint-venture avec la Sonatrach (numéro un du pétrole et du gaz en Algérie), pour un investissement total de 140 millions d’euros. Quant au groupe Siemens, il a déjà acquis une longue expérience en Algérie. L’industrie allemande poursuit lentement mais sûrement son introduction dans le marché algérien, avec l’ambition d’atteindre l’ensemble du continent. Un exemple pour les futurs investisseurs en Algérie. Encore faut-il suivre une règle d’or : patience, patience… et patience.

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