[Chronique] Ouganda : les rondeurs des femmes comme appât touristique
Le secrétaire d’État ougandais chargé du Tourisme voudrait utiliser une légitime valorisation des courbes féminines africaines comme atout touristique. Un pas de trop vers la chosification des femmes ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 11 février 2019 Lecture : 2 minutes.
Primates de l’Île de Bugala, buffles du Queen Elizabeth National Park et désormais les Ougandaises callipyges de Kampala : ce récent amalgame d’« arguments touristiques » révulsent les féministes. Ce sont les autorités de l’Ouganda qui ont décidé d’attirer les vacanciers étrangers avec la promotion de citoyennes aux formes généreuses. Initiée par la dénommée Primrose Nyonyozi Murungi, une pétition tente de contrecarrer « Miss Curvy », un concours de beauté réservé aux candidates rondes et point de départ manifeste de la nouvelle campagne de séduction gouvernementale.
Quel est donc le cœur de la polémique ? Dans une Afrique médiatiquement soumise aux canons de beauté internationaux – l’Ougandaise « Miss World Africa 2018 » Quiin Abenakyo est aussi filiforme qu’une reine de beauté suédoise –, on ne peut que se réjouir des élections alternatives dédiées aux courbes généreuses. À moins de jeter le bébé de la fierté ronde avec l’eau des concours de beauté, considérant tout défilé de miss comme une atteinte à la dignité féminine.
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Des femmes « étonnantes à regarder » ?
En réalité, c’est moins la compétition consentie de dames corpulentes qui pose problème que sa mue en appât touristique. L’initiatrice de la pétition « anti Miss Curvy » estime que la stratégie du secrétaire d’État au Tourisme est dégradante pour des femmes dès lors considérées comme des sortes de produits, « des attractions touristiques alors que le harcèlement sexuel est fréquent dans les rues ». Godfrey Kiwanda est même prié de présenter des excuses à ces femmes qu’il présente comme « étonnantes à regarder ».
Prenant le débat en marche, le président Yoweri Museveni a longuement ménagé la chèvre et le chou
Rapidement, les yeux se sont tournés vers le premier magistrat du pays, celui-là même qui dénonçait, il y a juste un an, les performances « médiocres » de la « perle de l’Afrique » dans le secteur du tourisme. Manifestement cueilli à froid, lors d’une conférence de presse improvisée, le président Yoweri Museveni a longuement ménagé la chèvre et le chou. Prenant le débat en marche, il a tout à la fois émis des réserves personnelles sur les concours de beauté, apprécié « l’originalité » de la nouvelle stratégie touristique et promis la « bienveillance » due aux candidates de « Miss Curvy ». Le poisson se noie aussi dans le lac Victoria…
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