Au palmarès des stars

Ils figurent actuellement parmi les chanteurs les plus connus du continent. Itinéraire de dix enfants gâtés de la scène africaine.

Publié le 25 août 2003 Lecture : 10 minutes.

CHEB MAMI
LE PRINCE DU RAÏ
De son vrai nom Mohamed Kelifati, il est né un jour de juillet 1966 dans un faubourg populaire de Saïda, petite ville à 160 kilomètres d’Oran. Son père est ouvrier dans une usine de papier, lui rêve déjà d’une autre vie et chante dans des mariages. Le « môme » (« Mami », en parler oranais) a tout du fils prodige : à 16 ans, il participe à un radio-crochet organisé par la Radio algérienne. En guise de deuxième prix, on lui remet un accordéon. Pour lui, tout peut commencer. En 1986, Mami s’envole pour Paris. Rapidement, tout s’enchaîne. Il réussit à enregistrer un disque et devient le premier chanteur algérien à remplir l’Olympia. Durant les années 1990, il surfe sur la mode raï en prenant soin d’y mêler ses propres influences : rap, raggae, rock… Ce fan de Bob Marley réussit à créer sa propre voix. Un méli-mélo qui séduit immédiatement le public des deux rives de la Méditerranée. En 1994, son album Saïda est double disque d’or en Algérie et au Maroc. Son dernier succès en date : « Youm Wara Youm » (« jour après jour »), un duo avec la jeune Samira Said. Un titre qui sonne comme le secret d’une vie réussie. n Frédérique Letourneux

SALIF KEITA
LE CARUSO AFRICAIN
« Le bonheur n’est pas pour demain, il n’est pas hypothétique, il commence ici et maintenant » : Salif Keita est un sage africain à la peau blanche. Issu d’une famille de princes maliens, il naît albinos un jour d’août 1949 à Djoliba, au bord du fleuve Niger. Marqué par sa curieuse peau blanche, il grandit, toujours chantant, dans la solitude des champs. Il a à peine 20 ans lorsqu’il quitte sa famille et part à Bamako. Il écume alors les orchestres des grands hôtels de la capitale malienne avant de tenter sa chance à Abidjan, où il enregistre ses premiers disques. Après un passage remarqué en France, au Festival des musiques métisses d’Angoulême, il décide de s’installer définitivement à Montreuil, près de Paris, fief de la communauté malienne. Avec son blues-rock mandingue chanté en malinké, Salif Keita rencontre le succès international et gagne bien vite le surnom de Caruso africain, en référence au ténor italien du début du XXe siècle. L’année dernière, il est revenu avec un nouvel album, Moffou, du nom du club qu’il a ouvert à Bamako pour y promouvoir la scène musicale ouest- africaine. Chantés en malinké et en bambara, ses textes sonnent comme un fort désir de retour aux sources. n F.Let.

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FEMI KUTI
TEL PÈRE TEL FILS !
De Fela à Femi : une relation père-fils fusionnelle, un saxophone en héritage. Le fils est né à Londres, en 1962, mais grandit à Lagos, au Nigeria. Il fait ses premières gammes au sein d’Africa 70, l’orchestre du père. À 24 ans, Femi décide de couper le cordon et crée son propre groupe, le Positive Force. Il sort son premier album un an plus tard, No Cause for Alarm (« Pas de quoi s’affoler »), un mélange de jazz, de soul et de funk. La mort de Fela, terrassé par le sida en 1996, marque le véritable tournant de sa carrière. Désespérés, les fans de son père attendent de lui qu’il reprenne le flambeau, mais Femi poursuit sa route entre respect de la tradition paternelle et invention d’une voix personnelle. Véritable showman, Femi est de l’espèce des lions indomptables : sur scène, il irradie, comme transporté. Le public est séduit par ce mélange de dance, d’afro-beat et de cuivres tonitruants… Le succès international ne se fait pas attendre. Son dernier album, Fight to Win, arrivé dans les bacs fin 2001, était nominé dans la catégorie « meilleur album World Music » aux 45e Grammy Awards, les Oscars de la musique américains, en février dernier. n F.Let.

MIRIAM MAKEBA
PATA PATA
Pata Pata, ça vous dit quelque chose ? En zoulou, traduisez « un petit rien ». Grâce à cette rengaine née en 1956, la pionnière des chanteuses africaines s’est fait connaître dans le monde entier. Mais les mélomanes savent que la carrière de cette grande dame sud-africaine ne saurait se résumer à un tube. Celle que l’on a surnommée le Rossignol, pour la pureté de sa voix, est une artiste dont le répertoire s’étend des rythmes traditionnels jusqu’au jazz en passant par le gospel. Et pour les Africains, Miriam Makeba est bien plus qu’une simple chanteuse. Elle est un symbole. Condamnée à l’exil en 1963 à la suite d’un discours virulent prononcé aux Nations unies contre l’apartheid, Miriam émigre aux États-Unis. Elle y épousera l’un des leaders des Black Panthers, en 1968, puis s’installera en Guinée. Trente ans d’exil durant lesquels cette « citoyenne du monde » n’a cessé de se battre pour l’égalité entre Noirs et Blancs. Trente ans au cours desquels elle a aussi côtoyé les plus grands noms de la musique africaine et occidentale. À son tour, Miriam Makeba est devenue une légende, dont on ne peut dissocier le talent du combat politique. L’artiste l’écrit elle-même dans son autobiographie : « Ma vie, ma carrière, chaque titre que je chante est lié au destin de mon peuple. » n Mia Ma

KOFFI OLOMIDÉ
LE GRAND MOPAO
Depuis son premier disque d’or, Noblesse oblige, en 1994, l’inventeur du « tcha-tcho » est au sommet. Mais Koffi est déjà un vieux routier de la scène. Avec son groupe Quartier latin, il a enregistré pas moins de sept albums en l’espace de cinq ans. Ses fans le surnomment Rambo, tandis que plusieurs vedettes congolaises ne cachent pas leur agacement face à cet artiste qui se veut « haut de gamme ». Son style, mélange d’une bonne dose de charme, d’un zeste de romantisme et d’une grosse poignée « tape-à-l’oeil » – le tout porté par une rumba langoureuse – séduit surtout un public féminin. Les « koffiettes » et « koffiphiles », comme la star appelle ses nombreux fans, se recrutent largement au-delà des frontières du continent. Ils répondront par milliers aux appels de leur idole qui, graduellement, accroche à son tableau de chasse les différents temples du music-hall français. En août 1998, il soumet l’Olympia. Deux mois après, Koffi remplit le Zénith. Comble de l’audace : en février 2000, le Grand Mopao est le premier artiste africain à prendre d’assaut les 17 000 places de Bercy, temple généralement réservé aux poids lourds de la pop mondiale. Stupéfaite, la presse française ouvre enfin ses micros et ses colonnes à cet artiste qui est pourtant depuis plusieurs années le plus gros vendeur de musique africaine dans l’Hexagone. À ceux qui s’offusquent de son aura « exclusivement communautaire », Koffi réplique que, depuis quarante ans, Johnny Hallyday est une star « franco-française », et ne s’en porte pas plus mal. Toc ! n A.S.

ALI FARKA TOURÉ
« FORT COMME UN ÂNE ! »
En l’an 2000, le grand Ali Farka, au sommet de sa gloire, faisait ses adieux au show-biz. Le Malien décidait de rentrer au pays pour cultiver ses terres à Niafunké, le village de son enfance, à 200 kilomètres au sud-ouest de Tombouctou. Il est né non loin, à Kanau, en 1939. Seul survivant d’une fratrie de dix garçons, tous morts avant d’avoir dépassés le stade de l’enfance, il reçoit le surnom de Farka, qui signifie « âne » et évoque « la force et la résistance ». Pour un descendant des nobles songhaïs, faire de la musique, c’est enfreindre l’interdit. Mais l’autodidacte est pugnace. Pendant une dizaine d’années, il enchaîne les scènes nationales avec l’orchestre de sa région, puis rejoint celui de Radio Mali, qu’il quittera en 1973. À la fin des années 1980, la mode de la World Music le porte aux nues, il devient le premier « bluesman africain » à partager des scènes internationales avec les plus grands comme John Lee Hooker, B.B. King ou Taj Mahal. Son plus gros coup reste assurément l’album Talking Timbuktu, enregistré en 1994 avec l’Américain Ry Cooder. Le succès est tel que le disque est récompensé un an plus tard par le célèbre Grammy Award américain. n F. Let.

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YOUSSOU NDOUR
MILITANTISME ET SHOW BUSINESS
C’est le premier artiste de la scène pop africaine à être élevé au rang de star internationale. Dès 1984, Paris lui offre un cadre favorable pour se lancer à la conquête du public occidental. L’enfant de la Médina, un quartier populaire du centre de Dakar, saura mettre à profit l’effervescence qui règne dans la capitale française pour se faire remarquer. Jacques Higelin l’invite à Bercy. Puis ce sera au tour de l’Anglais Peter Gabriel de tomber sous le charme. Il deviendra son mentor. Et c’est à lui que le Sénégalais devra sa participation à la tournée mondiale d’Amnesty International, intitulée « Human Rights Now ! », en 1998. Au cours de cette tournée, il partagera l’affiche avec, entre autres, Sting, Tracy Chapman ou encore Bruce Springsteen. L’album The Lion (1989), et surtout le très efficace Set (1990), lui servent de visa d’entrée pour le marché occidental, d’abord français, puis anglo-saxon. Mais c’est le duo « Seven Seconds » avec Neneh Cherry, tiré de The Guide (1994), qui reste en mémoire, héritant du titre de meilleure chanson aux MTV Awards 1994. Ce fils de griotte ne se contente pas de ses lauriers. Il met son succès à profit pour lancer des projets à Dakar, où il vit toujours. Il y possède notamment un club, le Thiossane, une maison de production Jololi, et un studio numérique ultramoderne, le Xippi. Ambassadeur de l’Unicef, Youssou Ndour a, cette année, annulé sa tournée américaine pour marquer sa désapprobation concernant la guerre contre l’Irak. n A.S.

KHALED PORTE-VOIX
Des yeux rieurs au milieu d’une face joviale : à 43 ans, Khaled a toujours le charme fou du jeune débutant. Véritable star internationale, il est devenu presque malgré lui le porte-voix d’une jeune génération algérienne aux rêves d’avenir meilleur. Peut-être justement parce que sur des mélodies de raï revisitées à coups de guitares électriques et de boîtes à rythmes, ses chansons parlent de femmes, d’amour ou de fêtes alcoolisées… Né à Oran, il arrive en France en 1986. Ses cassettes font déjà un tabac à Alger. En 1992, c’est la consécration : « Didi » est le premier tube en arabe à entrer dans le top 50 des meilleures ventes françaises. Khaled fait de la variété et il le revendique. Les midinettes en raffolent et se balancent en discothèque sur ses rythmes orientaux. Quatre ans plus tard, il renouvelle l’exploit avec « Aïcha », écrit – en français – par Jean-Jacques Goldman. « Aïcha » se vend à 500 000 exemplaires et se voit décerner le titre de chanson de l’année aux Victoires de la musique. En 2000, Khaled termine sa tournée internationale en faisant une escale à Alger, rompant, le temps d’un concert, ses quatorze ans d’exil. Mais c’est bien en France qu’il a choisi de continuer à vivre. Histoire de donner un nouveau souffle à la musique traditionnelle des Oranais. n F.Let.
CESARIA EVORA
LA DIVA AUX PIEDS NUS
« Mes chansons parlent d’amour et de désespoir, de politique et d’émigration… Elles racontent ma terre, le Cap-Vert. » Huit albums et quatre millions d’exemplaires vendus ont permis à Cesaria Evora d’exporter sa voix chaude et lancinante hors des frontières de São Vicente, son île natale de l’archipel capverdien. Chanteuse autodidacte, celle que ses amis surnomment Cize est, à 62 ans, l’ambassadrice de la musique morna, un mélange de fado portugais, de jazz et de musique latine. La pureté du timbre de Cesaria, et l’humilité de ses interprétations, ont donné leurs lettres de noblesse à ces chants doux et mélancoliques, accompagnés seulement par une guitare et de légères percussions. Mais il faut attendre 1992 pour que cette éternelle insoumise rencontre un succès international avec l’album Miss Perfumado, et renonce en même temps à noyer ses déboires sentimentaux dans l’alcool. Une habitude prise lors des années passées à entonner le répertoire national dans les bars du Cap-Vert, pour les marins de passage et les « marchands de poulet portugais ». Nomade dans l’âme, cette petite dame toute en rondeurs balade aujourd’hui son créole envoûtant à travers les cinq continents. Toujours pieds nus. n
Sandra Fontaine
WERRASON
AU SON DE L’EXCENTRICITÉ !
Entrée en scène sur cheval blanc ou en Harley Davidson, combinaisons en cuir ou en peaux de fauves en voie de disparition, larges tatouages… ce garçon ne se prive de rien pour allumer ses fans. Et ils le lui rendent bien. Depuis l’éclatement du célèbre groupe Wenge Musica, Werrason – Ngiama Makanda pour l’état civil – est certainement celui qui a le mieux réussi sa carrière solo. En 1998, sa séparation d’avec JB Mpiana au sein du groupe Wenge Musica BCBG tourne à l’affaire d’État : devant l’influence qu’ils exercent sur la jeunesse du pays, les autorités kinoises ont fait pression sur les deux chanteurs pour qu’ils préservent leur unité. À 35 ans, Werrason est devenu un poids lourd de la scène congolaise avec des scores de vente à six chiffres pour ses albums depuis Solola Bien, sorti chez JPS en 1999. En 2000, il réunit les partisans de son « Wenge Maison Mère » à Bercy pour un « concert défi » à ses anciens compagnons. Les groupes congolais se lancent les uns après les autres à l’assaut des palais omnisports, avec des fortunes diverses… Son deuxième album solo, Kibuisa Mpimpa/Opération Dragon, confirme en 2001 sa grande verve. Du stade des Martyrs à Kinshasa au Zénith de Paris, le Roi de la forêt, comme il se fait appeler, engrange les succès. Aujourd’hui, Werra est sans aucun doute l’un des leaders de la « génération ndombolo », la 4e génération de la musique congolaise.

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