Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 25 juillet 2005 Lecture : 7 minutes.

Développement : d’abord, un processus local
Louis Michel et Jeffrey Sachs ont de bonnes idées (voir J.A.I. n° 2321), mais j’aimerais ajouter un élément à leurs discours. Le développement durable, la création d’emplois et de richesses dépendent surtout d’un processus local. Celui-ci ne peut être assuré que par une bonne circulation et utilisation de l’argent et par la qualité de l’épargne, valorisée
par une judicieuse gestion financière. Cette dernière dépend, à son tour, d’une excellente connaissance de l’économie locale et d’un engagement fort du pays. Seul un niveau élevé d’intégration peut produire une entité transfrontalière, sur le modèle des États-Unis ou de l’Union européenne.
Depuis les années 1960, l’épargne des familles africaines baisse. En Afrique du Sud, elle ne représente que 0,6 % des revenus. Dans certains pays du continent, elle est en grande partie investie à l’étranger, comme vous l’avez fort bien démontré vous-mêmes (voir J.A.I. hors-série n° 8, L’État de l’Afrique 2005). L’aide au développement durable dépend, à mon avis, du renforcement de la confiance des Africains dans leurs propres capacités. Cet engagement s’exprimera par l’investissement des ressources propres dans l’économie locale et, par conséquent, la création d’emplois et l’afflux d’argent. La consommation et l’exode de l’épargne, l’émigration de la main-d’oeuvre, le manque de rentrées fiscales sont autant de signes qui traduisent l’inefficacité des mesures actuelles d’aide.

Les quatre cultures à développer
À la suite de l’article du Pr Jeffrey Sachs (voir J.A.I. n° 2319), je voudrais vous faire part de mes doutes quant à l’efficacité de la promotion des quatre secteurs santé, éducation, agriculture, infrastructures proposés par le Pr Sachs. Il n’est pas sûr qu’ils puissent être développés de façon automatique et qu’ils amorcent un réel développement (une émergence) des pays africains, pris individuellement ou en communauté
d’intégration régionale, comme le prône le Nepad.
Des préalables incontournables me paraissent nécessaires, au nombre de quatre également.
– Une culture du travail bien fait et productif, seul gage de développement durable. À mille lieues de cette paresse intellectuelle qui conduit les Africains à subir plutôt qu’à infléchir les politiques de développement, qu’elles soient proposées par les institutions de Bretton Woods ou par l’OMC. Les choses commencent à changer, mais lentement.
– Une culture de la démocratie, de la paix et de la stabilité, axée sur le refus de l’exclusion et dépassant la seule tenue d’élections, même régulières.
– Une culture de la Culture, qui constitue le socle de toute vie sociale harmonieuse en communauté. Celui qui ne sait ni d’où il vient ni qui il est aura du mal à tracer l’itinéraire de la destinée.
– Une culture du civisme et du « nationalisme ouvert », qui constitue l’élément essentiel et exaltant pour la personne humaine d’aujourd’hui, non seulement en raison de son appartenance, mais aussi de sa contribution à une communauté villageoise, nationale, africaine et internationale.
Certes, tous les pays africains ne sont pas à loger à la même enseigne, car certains font des efforts appréciables. Les quatre secteurs privilégiés par le Pr Sachs ne peuvent avoir d’effets bénéfiques sur les populations sans la mise en place des points ci-dessus. Notons que dans l’histoire de leur développement économique, social et culturel, tous les pays ont eu à satisfaire à au moins deux de ces préalables. L’Afrique pourrait-elle s’en passer ?

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Paris et Chirac K-O
Bien qu’occulté par la série d’attentats survenus le 7 juillet à Londres, l’échec inattendu de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2012 a fait revenir à la surface les maladresses d’une diplomatie française terriblement immobile et inefficace. On ne peut manquer ici de faire le rapprochement avec l’excellente analyse de François
Soudan (voir J.A.I. n° 2317) sur la faillite de la « méthode Chirac », illustrée par la victoire du « non » au référendum sur la Constitution européenne, désillusion qui est la suite logique d’une série de déconvenues allant du dossier ivoirien à l’Irak.
François Soudan fait bien d’observer que cet échec traduit d’abord le désaveu d’un homme. Chirac et la diplomatie française sont coupables d’un excès de suffisance les ayant conduits à s’impliquer ouvertement dans des processus à l’issue incertaine, avec le secret calcul d’en tirer des dividendes fort utiles en politique intérieure, ce qui s’est révélé être autant d’erreurs. On ne peut pas proclamer sa haine de l’Amérique, redouter le plombier polonais, prôner un repli frileux sur soi, proposer des quotas pour l’immigration, voter pour l’extrême droite, exiger l’exception française et prétendre offrir assez d’hospitalité pour accueillir les J.O., symboles de fraternité universelle.

Une France en triste état
Je lis et savoure chacun des éditos de Béchir Ben Yahmed et j’ai tout spécialement
apprécié celui sur l’état de la France (voir J.A.I. n° 2322). Je partage entièrement l’analyse. Je suis française, mais j’ai dû quitter mon beau pays pour créer mon entreprise en Suisse. Mon activité se situant en Afrique, et particulièrement en République démocratique du Congo, toutes les portes des banques françaises me restaient
fermées. Cela donne une idée de ce qu’est la politique de la France vis-à-vis de l’Afrique, frileuse, plus axée sur le social que sur l’économie. Les jeunes n’ont plus l’esprit d’entreprise. Ils préfèrent s’assurer des RTT plutôt que donner de la valeur au travail.

« Pas de pression à l’Opus Dei »
À la suite de votre article sur l’Opus Dei (voir J.A.I. n° 2316), je voudrais apporter les précisions et rectifications suivantes. Le fondateur de l’Ordre, Josémaria Escrivá de Balaguer, a été élevé à Barbastro et à Logroño, dans le nord de l’Espagne. Quand il s’est
installé à Madrid, il avait 25 ans et était déjà prêtre. En 1931, il a connu une époque de tâtonnements après l’intuition qu’il avait eue d’un appel à la sainteté dans la vie ordinaire, adressé aux hommes et femmes de toute condition. Son livre, Chemin, est une
série de considérations spirituelles qui s’adressent au grand public. Son tirage cumulé
atteint 4 millions d’exemplaires. Les premiers développements de l’Opus Dei en Espagne, après la guerre civile, ne se sont pas faits sans heurts avec certains éléments du nouveau régime. La prélature de l’Opus Dei n’est pas gouvernée seulement par des prêtres, on trouve aussi une majorité de laïcs. Les différentes modalités d’engagement correspondent à des disponibilités diverses des membres, non à une hiérarchie.
L’engagement est libre. On y entre et on y reste parce qu’on le veut, sans pression d’aucune sorte. Les fidèles laïcs de la prélature n’y trouvent qu’un complément de formation et un soutien spirituel. Ils relèvent de leurs évêques, comme dans tout diocèse. Enfin, le livre que vous citez n’apporte pas la moindre preuve que l’Opus Dei aurait donné 60 millions de dollars au Vatican.
Réponse : Nous avons puisé nos renseignements dans deux sources que nous avons citées, le livre de Bénédicte et Patrice des Mazery : L’Opus Dei, enquête sur une Église au coeur de l’Église (éditions Flammarion) et le site Internet de l’Ordre, www.opusdei.fr. Nous avons tâché de rendre compte de leurs opinions contradictoires, sans parti pris. À nos lecteurs de se faire leur idée sur la question.

Lutter contre toutes les misères
Seuls 18 pays ont vu leur dette annulée par le G8 : c’est insuffisant. Certains pays n’y ont pas droit : c’est injuste. La Sierra Leone, par exemple, dépensera en 2006 plus d’argent pour le service de sa dette que pour la santé de sa population. L’espérance de vie n’y est pourtant que de 38 ans. Les pays sélectionnés l’ont été en fonction des accords passés avec le FMI et la Banque mondiale, et non parce qu’ils ont des besoins dans
les domaines de la santé, de l’éducation ou du logement. Pourquoi avoir exclu les pays qui, par le passé, ont connu des régimes corrompus ou autoritaires ? Par exemple, les Congolais de RDC doivent accepter de voir un tiers de leur revenu national s’envoler pour régler les dettes contractées par l’ancien dictateur Mobutu Sese Seko, un homme qui a opprimé et dévalisé son peuple. On parle beaucoup de corruption et de la cupidité des dirigeants africains, mais n’est-ce pas l’Occident qui les encourage, en leur prenant de l’argent d’une main et en finançant leurs guerres de l’autre ? Il vaudrait mieux investir dans l’agriculture, les infrastructures,la santé, et casser les barrières commerciales. Ainsi les gouvernements africains pourraient-ils lutter efficacement contre la corruption
et éviter les pièges de la dictature ou des guerres intestines.

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À qui profitera l’annulation de la dette ?
Je suis persuadé que le socle de tout développement durable en Afrique passera, entre autres, par sa démocratisation, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance. Le G8 conditionne l’effacement de la dette à une utilisation rationnelle des ressources supplémentaires qu’elle va dégager. Les gouvernements gouvernements vont donc pouvoir
investir davantage dans les secteurs de la santé, de l’eau, de l’éducation et de
l’amélioration des infrastructures. Mais tous ces projets doivent être mesurables, avec un objectif clair à atteindre dans un temps donné. Il faut donc que le G8 se dote d’un organe de régulation, pour s’assurer que ce surcroît de ressources profite bien à la population. En somme, annuler la dette multilatérale revient à octroyer une aide additionnelle qui doit être, à mon sens, entourée de tous les mécanismes classiques de
contrôle. On ne peut tolérer qu’elle aille au bénéfice d’une élite africaine trop peu
encline à prendre en compte les problèmes de ceux qu’elle gouverne.

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