Un véritable réquisitoire

Dans son dernier rapport, nourri des témoignages recueillis en mai et juin auprès de réfugiés, Amnesty International stigmatise les violences qui ont émaillé la présidentielle d’avril.

Publié le 25 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Exécutions extrajudiciaires, tortures, enlèvements, viols, bastonnades : dans son rapport daté du 20 juillet, Amnesty International ne mâche pas ses mots pour dénoncer les violences qui ont émaillé la victoire électorale de Faure Gnassingbé au scrutin du 24 avril. Pour l’ONG, « jamais depuis l’élection présidentielle de 1998, la répression n’a été aussi brutale ».
À cette époque, l’organisation de défense des droits de l’homme avait publié un document, il est vrai très contesté, dans lequel elle accusait le pouvoir d’avoir orchestré des disparitions en jetant, du haut d’hélicoptères, des opposants à la mer. Le gouvernement togolais n’avait pas tardé à réagir en qualifiant le texte de « tissu de contre-vérités, d’allégations mensongères et de partis pris inspirés par la mauvaise foi de ses auteurs ».
Ce qui n’a jamais empêché l’ONG de revenir à la charge chaque année. Dans sa dernière publication, intitulée « Togo : l’histoire va-t-elle se répéter ? », l’organisation fonde ses accusations sur de nombreux témoignages recueillis en mai et en juin dans les camps de réfugiés situés au Bénin voisin, où 23 000 Togolais ont trouvé asile. Des informations corroborées par les médecins béninois qui ont soigné les victimes de ces exactions. D’après l’un d’eux, cité dans le rapport, « environ 140 cas graves, tous blessés par balle, ou avec des fractures au fémur et des luxations », ont été recensés. Les femmes n’ont pas été épargnées, même si Amnesty avoue avoir eu « de grandes difficultés à obtenir des informations précises sur les violences sexuelles ».
Le rapport ne prétend pas cependant à l’exhaustivité des « graves atteintes aux droits humains » commises par « les forces de sécurité togolaises soutenues, dans la majorité des cas, par des milices entraînées par les militaires ». S’agissant du nombre de morts, notamment, il s’est gardé de raviver la bataille des chiffres qui avait fait rage au lendemain du scrutin – la Ligue togolaise des droits de l’homme, proche de l’opposition, dénombrait 811 tués tandis que le Mouvement togolais de défense des libertés et des droits de l’homme, réputé acquis au pouvoir, faisait état de 58 morts. Amnesty, pour sa part, évoque « une liste de 150 noms » de personnes décédées, qu’elle « tient à la disposition de toute commission d’enquête internationale, indépendante et impartiale », mais estime que le bilan des violences postélectorales est en réalité « bien plus élevé ».
Les autorités de Lomé, habituées aux condamnations fracassantes de l’organisation, qualifient une fois encore ce rapport de « grotesque et macabre ». Pour le ministre de la Communication, Koukou Tozoun, « Amnesty a fait de ces accusations sans fondement son fonds de commerce depuis 1999. Bizarrement, elle choisit le moment où le gouvernement togolais tente de renouer le dialogue avec l’Union européenne pour lancer ce pavé ». Le ministre, autrefois détenteur du portefeuille des Affaires étrangères, s’étonne qu’une organisation de cette envergure ne prenne pas « suffisamment de recul et se base uniquement sur des témoignages recueillis hors du Togo et pour le moins contestés ».
Le gouvernement d’Edem Kodjo reproche effectivement aux organisations humanitaires chargées de la question des réfugiés de ne pas distinguer les victimes des violences électorales et les « opportunistes ». « Un tiers, voire la moitié des réfugiés sont en réalité des gens désoeuvrés, sans papier, qui profitent de la situation pour quitter le pays », poursuit Koukou Tozoun.
Dans son rapport, Amnesty, qui juge la réaction des forces de sécurité « disproportionnée » et qualifie de « pacifiques » les manifestations des militants de l’opposition pourtant armés de machettes et de gourdins, pointe aussi l’aide que la France leur aurait fournie. D’après elle, « des balles en caoutchouc ainsi qu’une grenade lacrymogène utilisées à Lomé lors de la répression d’avril […] sont de fabrication française ». De là à laisser entendre que la coopération militaire entre les deux pays, qui se traduit notamment par la présence de vingt soldats français détachés sur le territoire togolais, aurait pu être détournée… D’autant que le matériel analysé par l’organisation vise à maintenir l’ordre et non pas à tuer.
Quoi qu’il en soit, l’ONG appelle Paris à « tirer les leçons » de ces violences « et exige que la promotion et la protection des droits humains deviennent une priorité dans les relations » entre l’Hexagone et le Togo.

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