Niger : le 29 juillet 1991, ouverture de la conférence nationale
Les travaux devaient débuter le 27 juillet, mais l’effondrement du toit du Palais des congrès de Niamey a failli tout remettre en question.
Finalement, deux jours plus tard, près de 1 200 délégués, représentant partis politiques, associations et syndicats sont au rendez-vous au Palais des sports. L’endroit est moins prestigieux, mais la conférence nationale nigérienne peut commencer. Arrivé au pouvoir en 1987 à la suite du décès du général Seyni Kountché, élu au suffrage universel en 1989, le chef de l’État, le général Ali Saïbou, préside la séance inaugurale. Après une quinzaine d’années placées sous régime d’exception militaire et une timide avancée vers le multipartisme l’année précédente, le moment est solennel. « Pour la première fois, les Nigériens ont eu le droit de dire ce qu’ils pensaient. Ils sont devenus des citoyens et ont mis leur nez dans les affaires publiques », se souvient le patron du journal Le Républicain, Maman Abou, qui représentait à l’époque l’Association nigérienne de défense des droits de l’homme.
Rien n’échappe à ce besoin de vérité. Pour en finir avec le « désastre national » dans lequel est plongé le pays depuis son indépendance, les délégués balaient les derniers tabous et dressent une liste sans concession des dignitaires civils ou militaires qui ont pillé les richesses nationales. Il s’agit tout bonnement de solder le passé pour tracer les contours d’un Niger démocratique. Le chantier est colossal. Sorte de thérapie collective, véritable réceptacle de la complainte populaire, lieu d’échanges et de revendications, la conférence nationale se transforme très vite en agora radiotélévisée. Les travaux vont durer plus de trois mois : « Cela a été trop long, les dossiers étaient mal préparés et les débats ont parfois tourné au règlement de comptes », reconnaît Maman Abou. De fait, 185 « affaires » allant des crimes politiques aux détournements de fonds seront examinées. L’argent généré par les mines d’uranium dans la région d’Arlit intéresse tout particulièrement les délégués.
La question touarègue
La conférence nationale aborde aussi la question touarègue, et notamment le drame de Tchintabaraden, où, en mai 1990, en représailles à un raid touareg sur un village, l’armée avait, selon la presse internationale, abattu plusieurs centaines de personnes. Les militaires mis en cause refusent de venir témoigner. Une semaine plus tôt, répondant à des questions sur la répression d’une manifestation étudiante en février 1990 qui avait fait trois morts, le chef d’état-major accuse les conférenciers de chercher à « humilier » l’armée nigérienne. Inquiet par la tournure des débats, le président de la conférence, le professeur André Salifou, parle ouvertement de « menaces de coup d’État militaire ». Une hypothèse sérieusement envisagée par certains clans du pouvoir avant qu’un groupe de jeunes officiers ne fasse allégeance à la conférence nationale en dénonçant « ceux qui ont pillé, violé, tué ou torturé ». Un épisode déterminant.
Quatre-vingt-dix-huit jours plus tard, lors de la séance de clôture, le général Ali Saïbou se soumet à la volonté du peuple. Après avoir constaté et accepté « sans ressentiment ni état d’âme que son rôle est désormais réduit au niveau du symbole », il s’engage à collaborer avec le Premier ministre de transition Amadou Cheffou et le président du Haut Conseil de la République (HCR) André Salifou, jusqu’à l’élection présidentielle de mars 1993 qui verra la victoire de Mahamane Ousmane. Le Niger a tourné une nouvelle page de son histoire. La conférence nationale aura réussi à définir les grandes lignes de la Constitution de la iiie République, du code électoral et de la charte des partis politiques. « Finalement, cette conférence nationale n’aura pas été une révolution, mais elle a été une rupture, conclut Maman Abou. Avant d’ajouter : les coups d’État qui ont suivi ont été causés par les erreurs de la classe politique qui n’a pas su faire fructifier les fruits de la conférence nationale. »
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