Les lanceurs d’alerte congolais Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere assignent la BGFIBank en justice en France

Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere, deux lanceurs d’alerte réfugiés en France avec leurs familles après avoir dénoncé des pratiques de malversations, viennent d’assigner leur ancien employeur, la BGFIBank et sa filiale congolaise, devant les juridictions françaises.

Jean-Jacques Lumumba Luviya (Congo – RDC), neveu de Patrice Lumumba, ancien cadre la BGFI, lanceur d’alerte. En région parisienne le 20 décembre 2016 © Vincent Fournier/Jeune Afrique

Jean-Jacques Lumumba Luviya (Congo – RDC), neveu de Patrice Lumumba, ancien cadre la BGFI, lanceur d’alerte. En région parisienne le 20 décembre 2016 © Vincent Fournier/Jeune Afrique

Publié le 13 février 2019 Lecture : 4 minutes.

Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere avaient signalé à leurs supérieurs des détournements de fonds publics et l’existence de comptes liés au financement du terrorisme. Cependant, leur prise de position a donné lieu à des représailles dont ils affirment avoir été victimes de la part de leur employeur représenté en RDC par des proches de l’ancien chef de l’État Joseph Kabila au point de s’exiler en France avec leurs familles.

BGFI dit ne pas être au courant

Soutenus par la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF), les deux hommes annoncent ce mercredi assigner la BGFI et sa filiale congolaise, dirigée par des proches de l’ancien président Joseph Kabila à l’époque des faits présumés qu’ils dénoncent. Ils entendent obtenir réparation de tous les préjudices subis du fait du comportement de la banque.

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« En tant que réfugiés français, ils ont le droit de saisir les juridictions françaises. La responsabilité de la banque congolaise en tant qu’employeur, et de la banque gabonaise en tant que maison mère, ne fait, à nos yeux, aucun doute. Le climat d’impunité régnant au sein de la banque a permis à certains dirigeants de menacer leurs employés et à recourir à des activités tout à fait immorales », justifient leurs avocats français, Me William Bourdon et Me Henri Thulliez, dans un communiqué.

Nous n’avons aucune connaissance de cette assignation

À Kinshasa, comme à Libreville, les responsables actuels de la Filiale RDC et du Groupe BGFI, contactés par Jeune Afrique, ont déclaré ignorer pour l’heure l’existence de la démarche des deux lanceurs d’alerte devant la justice française. « Nous n’avons aucune connaissance de cette assignation », a insisté Henri-Claude Oyima, PDG de BGFI Bank, basé à Libreville.

Il n’a par ailleurs pas souhaité répondre sur le fond des accusations portées par les deux hommes, renvoyant au service de communication du groupe. Ce dernier, malgré plusieurs tentatives, n’a pas donné suite aux sollicitations de Jeune Afrique.

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Malversations présumées

Pour Me Georges Kapiamba de l’Association pour l’accès à la justice (ACAJ), « leurs alertes sur les détournements de fonds publics, opérés par les agents de l’État, à travers cette banque devront déterminer les nouvelles autorités à Kinshasa à faire diligenter une enquête judiciaire locale indépendante et impartiale afin que les auteurs et complices de ces crimes économiques soient enfin identifiés, jugés et sanctionnés de manière exemplaire ».

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Alors qu’il était un cadre dirigeant de la branche crédit au sein de la BGFIBank RDC, où il travaillait depuis 2012, Jean-Jacques Lumumba a découvert l’existence de plusieurs transactions suspectes de dizaines de millions de dollars entre la banque, dirigée à l’époque par Francis Selemani Mtwale, considéré comme le frère adoptif du président Kabila, et des sociétés, elles aussi contrôlées par des proches du même président.

Après avoir alerté sur ces pratiques présumées, Jean-Jacques Lumumba affirme avoir été plusieurs fois menacé, notamment avec une arme à feu, par le directeur général de la banque. Craignant pour sa vie et pour ses proches, il a alors pris le chemin de l’exil.

Pour l’honneur de notre profession de banquier, pour le bien de notre pays

« Mes alertes, je les ai déclenchées pour l’honneur de notre profession de banquier, pour le bien de notre pays. Je l’ai fait pour cette nouvelle génération de Congolais qui veulent véritablement construire l’État de droit en RDC et ne plus être pris en otage par la cupidité de ses dirigeants », insiste Jean-Jacques Lumumba dans le communiqué de PPLAAF.

Menaces physiques

De son côté, Guylain Luwere qui travaillait depuis 2015 à la BGFIBank RDC en tant que responsable du contrôle de gestion, a révélé auprès de sa hiérarchie que des dépenses avaient été effectuées par la banque en dehors des procédures légales et internes. Il a également mis en garde la banque sur l’existence d’importants dépôts bancaires appartenant à trois filiales de Congo Futur, une société appartenant à la famille Tajideen, un réseau d’entreprises sanctionné par le Trésor américain pour financement du terrorisme.

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À la suite de ces alertes, Guylain Luwere affirme avoir été menacé par plusieurs membres de sa hiérarchie et avoir été victime d’une agression alors qu’il se trouvait avec son épouse. Des menaces qui, là encore, conduisent le lanceur d’alerte à s’exiler avec sa famille.

« Jamais nous n’aurions dû être menacés, agressés, brutalisés pour avoir fait ce qu’il nous paraissait juste. Nous avons été contraints à l’exil, nos familles souffrent, nous méritons d’être réparés dans nos droits par notre ancien employeur », martèle Guylain Luwere.

La filiale BGFIBank RDC a commencé ses activités en 2010. À l’époque des faits déplorés par les deux lanceurs d’alerte, rappelle PPLAF, l’une des sœurs de l’ancien chef de l’État Joseph Kabila aurait été actionnaire de cette filiale à hauteur de 40%, le reste des actions étant majoritairement détenues par la BGFI Holding.

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