Le « Uber pour camions » nigérian, Kobo 360, se lance au Ghana, au Togo et au Kenya
Forte de sa dernière levée de fonds à 6 millions de dollars auprès de l’Africa Finance Corporation en décembre, la société de logistique fondée au Nigeria il y a un an à peine par Obi Ozor et Ife Oyedele s’attaque à l’Afrique de l’Est et s’étend à l’Ouest.
Il n’y a pas assez de camions au Nigeria pour répondre à la demande d’un marché de la logistique estimé à 150 milliards de dollars. C’est ce constat qui a décidé Obi Ozor et Ife Oyedele, respectivement directeur exécutif et directeur technique de Kobo 360, à lancer une plateforme qui mette en contact les propriétaires de flottes de véhicules avec les sociétés demandeuses de services de transport.
La jeune pousse compte plus de 80 propriétaires de flottes enregistrés sur sa plateforme, qui mettent à disposition près de 5 000 camions. Quand une entreprise passe commande pour une livraison, la plateforme identifie le transporteur le plus proche et lui assigne le trajet. Le client pourra suivre en temps réel l’acheminement de sa cargaison, pour un tarif 20 % inférieur à celui du marché, selon les deux fondateurs.
Kobo a opté pour un modèle économique « Asset light » : aucun de ses camionneurs n’est salarié, même si un minimum de 5 trajets par mois leur est garanti (le trajet moyen est rémunéré à 1000 dollars), et si la société pilote plus de 1 800 trajets par mois, elle ne possède aucun camion.
Deux levées de fonds et des clients majeurs
En treize mois d’existence, la pépite a réalisé deux levées de fonds – 1,2 million de dollars auprès du fonds américain Western Technology Investment en juin, puis 6 millions de dollars accordés par l’AFC en décembre –, signé une quinzaine de clients parmi les géants de la grande distribution – le conglomérat nigérian Dangote, le singapourien Olam, les distributeurs DHL et UPS ou encore le français Lafarge – et intégré le prestigieux programme d’incubation américain Y Combinator. Un succès qui a propulsé la start-up à multiplier par treize ses résultats, sur lesquels elle ne souhaite pas donner de précision.
Kobo 360 se démarque par trois principes majeurs : fiabilité, recours au Big data et optimisation logistique. « Le marché nigérian de la logistique est opaque, fragmenté, et manque de professionnalisme. Nous comblons ces lacunes », affirme la directrice de cabinet de Kobo 360, Zelu Nwakobi.
L’utilisation de systèmes de suivi GPS, l’option donnée au client de consulter en temps réel les statistiques de livraisons de toutes ses commandes font la différence. L’entreprise qui compte 70 employés, dispose d’une équipe dédiée d’experts en technologie, ainsi qu’un data analyst en interne qui fournissent des informations ciblées à ses clients – une valeur ajoutée rarement rencontrée chez ses concurrents.
Le Ghana et le Togo prévus pour le mois de mars
Enfin, Kobo propose aux agriculteurs de livrer leurs productions à tarif préférentiel vers les centres de consommation majeurs comme Lagos, ce qui permet aux camions de ne pas rentrer à vide vers le port. Ce concept de « reverse logistics » rend le modèle encore plus compétitif tout en trouvant de nouveaux débouchés pour le secteur rural.
Dopée par sa dernière levée de fonds, la société est sur tous les fronts pour étendre ses opérations en 2019. Première étape, l’ouverture de nouveaux bureaux au Ghana et au Togo en mars, avant le Kenya en avril. L’équipe revient d’ailleurs de deux semaines au Togo où elle a rencontré l’ensemble des acteurs, des autorités jusqu’aux transporteurs partenaires : tout est prêt selon Zelu Nwakobi.
Au-delà de son expansion géographique, Kobo souhaite proposer de nouveaux produits cette année, à commencer par des services d’entrepôts, ainsi qu’une nouvelle unité commerciale dédiée aux livraisons plus modestes (à partir de 5 tonnes, contre des camions de capacité 15 à 30 tonnes employés aujourd’hui).
Le transport intra-nigérian plus cher que l’importation depuis l’Asie
Un nouveau concept de crowdfunding, Kobo Win, permettra à partir du mois de mars à des sponsors individuels de mettre leurs fonds en commun pour financer l’achat d’un camion, avec un retour d’investissement sur les trajets annoncé à 30 %. Le modèle permettrait à terme d’émanciper les chauffeurs, en leur permettant d’être propriétaire de leurs propres camions, un objectif cher à Obi Ozor.
Le Nigérian, qui a rencontré son cofondateur à l’Université du Michigan, est passé par tous les segments du marché de la logistique avant de fonder sa société. À la tête d’un commerce de transporteur dès l’âge de 19 ans, il a appris à connaître les difficultés rencontrées par les camionneurs avant de comprendre les mécanismes de la logistique à grande échelle en intégrant l’équipe qui a développé Uber en Afrique de l’Ouest.
Un temps client de services de livraison quand il importait des marchandises depuis la Chine, déjà aux côtés d’Ife Oyedele, il a réalisé que transporter un colis d’Est en Ouest au Nigeria coûtait davantage que de l’importer depuis l’Asie. Un ensemble d’expériences qui l’ont poussé à développer le concept Kobo (qui signifie centime au Nigeria), dont la vocation est bien plus large que le transport terrestre.
Objectif 20 millions de dollars
Le modèle visé par Kobo 360 est systémique : « Nous voulons devenir la plateforme globale de logistique intégrée de référence, au niveau mondial », déclare son fondateur. IBM et l’armateur danois Maersk ont tenté de mettre en place un tel système et ont échoué, affirme Obi, parce que Maersk était partie prenante alors que c’est un indépendant, comme Kobo, qui doit lancer le système ».
La société compte ainsi développer dans un premier temps son concept sur les liaisons terrestres, plus fragmentées et différentes selon chaque pays, avant d’intégrer le transport maritime d’ici à 5 ans. Elle finalise pour cela un nouveau tour de table en série A, pour près de 20 millions de dollars, d’ici au mois de juin.
Quand on demande au directeur exécutif de Kobo quel sera son plus grand défi, il répond sans hésiter : « Notre enjeu pour le futur est de trouver des talents ». Selon lui, il faut être au plus près du problème pour lui apporter une solution, et s’il peut trouver des experts en blockchain en Inde ou en Russie, «cComment faire pour les ramener ici ? Ils ne veulent pas venir au Nigeria », regrette-t-il. La question du salaire, elle, est déjà réglée : « au moins avec notre dernière levée de fonds, nous pouvons maintenant donner à nos développeurs des salaires compétitifs sur le plan international ».
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