Guinée : Jacques Kolié, itinéraire d’un ancien migrant devenu réalisateur en lice au Fespaco

Jacques Kolié, réalisateur du film « Les larmes de mon peuple », sera l’un des trois ambassadeurs de la Guinée au Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), du 27 février au 2 mars prochain. Nul ne prédestinait cet autodidacte, qui a vite quitté son pays pour le Sénégal, au septième art.

Jacques Kolié, réalisateur du film « Les larmes de mon peuple ». © Facebook/Jacques Kolié

Jacques Kolié, réalisateur du film « Les larmes de mon peuple ». © Facebook/Jacques Kolié

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Publié le 14 février 2019 Lecture : 4 minutes.

Son déclic, ce fut le divorce de ses parents, en 2006. Jacques Kolié, alors âgé de 18 ans, est contraint d’arrêter le collège. Il prend la décision de quitter la Guinée avec son compagnon pour rejoindre l’Europe, son rêve. Dans leur route, parcourue en taxi, ils se voient vite obligés de faire escale à Dakar, pour « travailler et pouvoir financer la suite du trajet », raconte-t-il aujourd’hui. La capitale sénégalaise, il ne l’a finalement jamais quittée. C’est à elle qu’il doit une grande partie de sa carrière de cinéaste.

Le 27 février prochain, Jacques Kolié fera partie des trois Guinéens sélectionnés au Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), un des plus grands rendez-vous africains du septième art. Il y présentera son premier court-métrage Les larmes du peuple, sorti en 2016, dix ans après que l’ex-candidat à la migration irrégulière a posé ses valises dans la capitale sénégalaise.

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Justice pour Zogota

Jacques Kolié a « adhéré » naturellement au cinéma, qu’il définit comme l’art de « raconter des histoires de façon originale ». Sa première histoire, Les larmes de mon peuple, est celle de Cécé, un jeune avocat qui, « après avoir appris la mort de son jeune frère à Zogota, son village natal, suite à une répression armée, décide d’y retourner afin de demander justice pour son frère et son village. Sa petite copine enceinte le menace de se débarrasser de l’enfant s’il maintient sa décision ».

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Un court-métrage de 17 minutes, inspiré par les événements qu’a vécus l’un de ses villages voisins. Le 4 août 2012, aux environs de 3 heures du matin, Zogota (dans préfecture de N’Zérékoré, à 1 000 km au sud-est de la Guinée) se réveillait sous le crépitement des balles de l’armée et de la gendarmerie. L’opération fit six morts parmi les villageois qui réclamaient des emplois au consortium Vale-BSGR, qui explorait le très riche gisement de fer du Simandou. La plainte formulée par un collectif d’ONG, d’avocats guinéens et étrangers n’a pas été examinée par la justice. L’affaire a été portée devant la Cour de justice de la Cedeao.

Au-delà de l’affaire de Zogota, Les larmes de mon peuple réclame la justice pour toutes les victimes de répressions en Guinée. Sa sélection au Fespaco réjouit Babacar Seck, qui a été l’un de ses « mentors » lors de son arrivée à Dakar. « Jacques est vraiment un exemple de personne qui suit ses convictions. Il incarne une histoire que j’aimerais bien écrire et réaliser ». Une sélection qui ne « surprend pas » non plus le réalisateur Moussa Touré, qui lui avait aussi donné sa chance en tant que régisseur sur son film La Pirogue. « Le Fespaco est un des plus grands festivals africains et il y a eu cette année une sélection stricte. C’est un excellent début pour lui », déclare-t-il. Le ministère de la Culture a également promis de lui financer son prochain déplacement à Ouagadougou.

Beaucoup de jeunes étaient là pour l’argent, lui était simplement intéressé par le cinéma

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« La soif de gravir les échelons »

Il y a encore quelques années, Jacques Kolié était l’un des vigiles de Médiatik communication, la boîte de production de Babacar Seck, située à Plateau, dans le centre-ville de Dakar. « Je l’ai rencontré dans un restaurant alors qu’il débarquait de Guinée. Un jour, il m’a dit : “Je veux changer de travail, je ne m’y retrouve pas, aidez-moi” », se souvient le cinéaste, qui l’a finalement engagé. Ayant « soif de gravir les échelons », il ne tarda pas à devenir assistant régisseur, puis à se découvrir des talents de cinéaste. « Il m’a assisté sur plusieurs films puis a commencé à faire de la mise en scène. Il est parti très vite », constate Babacar Seck.

La gestuelle, l’élocution du réalisateur, l’attention que les acteurs lui accordaient… autant d’éléments qui ont charmé et détourné le jeune aventurier du chemin de l’Occident. Une passion qui a plu aux réalisateurs, comme Moussa Touré. « Mon regard s’était arrêté sur ce garçon pour son sérieux. J’ai vu en lui l’amour qu’il portait sur le cinéma, à mon histoire [le film La Pirogue, ndlr]. Beaucoup de jeunes étaient là pour l’argent, lui était simplement intéressé par le cinéma », témoigne le réalisateur.

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À Ouagadougou, Jacques Kolié aura la tâche de représenter son pays natal, aux côtés de Gnaissa Aboubacar et Mariam Cissé, qui ont respectivement réalisé Le taro du lion et Est-ce Dieu ?. Une présence qui leur permettra peut-être de rallumer la flamme du « cinéma guinéen qui brillait de tous les feux avec Mohamed Camara et Cheick Fantamady Camara », espère Moussa Touré.

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