Les rentes en question

Principales ressources naturelles du pays, le bois et le pétrole font aujourd’hui l’objet de véritables politiques d’exploitation rationnelle.

Publié le 25 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Ce sont les deux mamelles économiques du Congo. Le pétrole d’une part, grâce à des réserves estimées à plus de 200 millions de tonnes et un baril de brut qui flirte actuellement avec les 60 dollars sur le marché mondial. Le bois de l’autre, avec 20 millions d’hectares de forêts couvrant 60 % du territoire national. Deux « pièges », deux « malédictions », comme le deviennent si souvent les richesses naturelles dans les États rentiers ?
Après plusieurs années de fléchissement, la production pétrolière est de nouveau en hausse au Congo, avec plus de 12,7 millions de tonnes attendues pour 2005, contre 11,2 millions l’an dernier. Si on ajoute à cela l’hypothèse gouvernementale d’un baril à 31 dollars (prévision exagérément prudente, vu les tendances actuelles), l’État congolais devrait encaisser de substantiels surplus budgétaires cette année. Une manne providentielle pour ce pays où les hydrocarbures représentent 56 % du Produit intérieur brut (PIB), contribuent à 68 % du budget de l’État et fournissent 80 % des recettes d’exportation. Une belle occasion, aussi, de relancer toutes les questions concernant l’utilisation de la « cagnotte » pétrolière par les autorités.
Ce n’est pas un hasard, en effet, si un parti de l’opposition, le Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD), a demandé, en avril dernier, la tenue « d’états généraux des finances de la nation » pour faire le point sur la gestion des recettes pétrolières, fiscales et douanières. Et qu’il réclame, par ailleurs, la création d’un observatoire national sur ces questions, ainsi que la constitution d’un fonds pour l’emploi des jeunes, alimenté par l’argent du pétrole. Deux mois auparavant, en février, la coalition d’opposition « Code A » avait, pour sa part, dénoncé l’opacité de la gestion de la rente pétrolière.
Les choses, pourtant, changent peu à peu. Sous la pression du Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement vient de lancer une série de mesures destinées à instaurer une plus grande transparence dans le secteur. Les comptes de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), qui exporte 20 % de la production du pays, sont, à présent, audités par le cabinet américain KPMG et librement consultables sur le site officiel du gouvernement congolais, www.congo-site.net. Les recettes pétrolières perçues par l’État et les partages de production y figurent également, après avoir été certifiés (avec plus de 50 % de la production nationale exploitée, Total reste le premier opérateur pétrolier du pays). L’autre geste « de bonne volonté », selon un observateur, porte sur l’audit subi par la Congolaise de raffinage (Coraf), une société à privatiser selon les critères retenus par le FMI dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). L’État a accepté que les comptes de l’entreprise soient passés au peigne fin, malgré son endettement certain. Bilan : des pertes estimées à 43 milliards de F CFA… Enfin, en octobre dernier, le gouvernement a annoncé son adhésion à l’Initiative internationale de transparence dans les industries extractives (EITI).
Concernant le secteur du bois (5 % du PIB), les priorités gouvernementales portent, avant tout, sur la protection des forêts du bassin du Congo. Afin de concilier la préservation de l’écosystème et la valorisation économique de cette filière, dont le potentiel annuel de production est estimé à 2 millions de mètres cubes, le Congo a adopté, en décembre 2000, un code forestier. Depuis, les sociétés forestières – en partenariat avec des experts, biologistes et naturalistes – doivent progressivement mettre en place une politique de gestion durable de leurs concessions. Cela passe par l’inventaire scientifique des essences, des plans de coupe préalablement définis, des méthodes de reboisement et la traçabilité des grumes. En cas d’infraction, des amendes peuvent être infligées. Le premier plan d’aménagement forestier au Congo a été attribué en mars 2005 à la Congolaise industrielle des bois (CIB). « Si le travail est bon, une reconnaissance internationale de nos grumes par une certification permettra une meilleure valorisation de nos produits à l’exportation », estime Yves Dubois, responsable de la communication à la CIB. D’autres professionnels, moins optimistes, dénoncent en revanche la fiscalité excessive imposée par le gouvernement congolais. « La protection des forêts est tout à fait respectable, mais elle ne peut pas se faire au détriment des investisseurs », estime un autre exploitant forestier implanté au Congo. Sous le couvert de l’anonymat, il dénonce les nouvelles taxes « contradictoires avec l’aménagement durable », et demande une réunion d’urgence entre les États, les bailleurs et les professionnels pour définir les priorités. Le débat ne fait que commencer.

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