L’Afrique courtisée

Entre luttes d’influence et rivalités régionales, la réforme du Conseil de sécurité peine à aboutir. Bien que divisé, le continent pourrait arbitrer les débats.

Publié le 25 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Un pavé dans la mare. Beaucoup le redoutaient, à tel point que les pays du G4 (Allemagne, Brésil, Inde, Japon) ont consacré leur week-end à négocier. Les Africains l’ont finalement lancé.
Lundi 18 juillet, au nom de l’Union africaine, cinq représentants du continent présentent leur projet de résolution sur la réforme du Conseil de sécurité (CS). Au grand dam du G4, qui espérait des Africains qu’ils votent en faveur de leur projet, déposé une semaine auparavant.
Le temps presse pour Kofi Annan, qui souhaite faire entériner son projet de réforme lors de la 60e session de l’Assemblée générale (AG), les 13 et 14 septembre. Les négociations s’activent entre les quatre grands groupes (voir encadré) qui s’opposent sur la composition du futur Conseil de sécurité.
Les plus déterminés ? Les pays du G4, qui partaient plutôt confiants grâce au soutien de la France et du Royaume-Uni et à l’appui supposé de l’Afrique. Ils avaient promis de ne pas déposer leur proposition avant la fin du sommet de l’Union africaine (4 et 5 juillet à Syrte en Libye). Les membres du G4 veulent dix nouveaux sièges au Conseil de sécurité dont six permanents (un pour chaque pays du groupe, plus deux pour l’Afrique) et quatre non permanents. Une stratégie concoctée pour rallier les voix des 53 pays africains dont le poids est significatif au sein de l’AG (191 États membres). Mais, contre toute attente, les chefs d’État de l’UA se sont accordés à Syrte pour élaborer un projet de résolution commun à tous les pays du continent. Dans l’esprit, ce dernier se rapproche de celui du G4, mais les différences sont notables. Les Africains réclament le droit de veto pour les nouveaux entrants permanents, au contraire du G4 qui, pour amadouer les membres actuels, très réticents, proposait de « geler » leur droit de veto pendant quinze ans. Les Africains veulent aussi deux nouveaux sièges non permanents pour le continent : le G4 n’en demande qu’un seul.
Ces divergences font l’objet de négociations. Les pays du G4 espèrent encore rallier les Africains, puisque l’AG se prononcera d’abord sur le projet du G4. En cas de vote positif, les autres projets ne seront pas examinés. Pour l’heure, un accord paraît improbable : malgré le consensus apparent, les pays africains n’ont pas la même idée derrière la tête. L’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Égypte partagent l’espoir d’occuper un jour les sièges si convoités et sont donc prêts à se ranger du côté du G4. L’Algérie, le Sénégal, le Kenya, et d’autres, se reconnaissent dans les positions du troisième groupe, « Unis pour le consensus », qui préconise la rotation de dix nouveaux membres non permanents.
Pour le moment, la « résolution de Syrte » permet aux Africains de peser sur le débat. Le G4 parviendra-t-il à jouer de leurs divergences pour casser le groupe africain ? Certains estiment que la moitié des voix du continent lui suffirait pour l’emporter… Prévu pour le 12 juillet, reporté au 22, le vote sur le projet de résolution du G4 ne devrait pas se tenir avant la fin du mois.
Si les États membres rejettent le projet du G4 – et celui de l’Union africaine, voué à l’échec -, il restera encore une solution : une résolution de compromis proposée par le président de l’Assemblée générale, le Gabonais Jean Ping, qui aurait déjà son idée…
Toutes ces manoeuvres diplomatiques ne tiennent pas compte de l’avis – décisif – des pays déjà membres permanents du CS. À la fin du processus, leur veto pourrait tout bloquer. Pour le moment, ces débats font deux heureux : le Gabonais Jean Ping, président de l’AG, ravi de l’intérêt soudain des journalistes pour les travaux de l’organe représentatif de l’ONU. Et l’Afrique en général, dont les journaux du monde entier relayent désormais stratégies et déclarations. Un continent dont on parle si peu. Ou si mal.

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