Karthago Airlines, la baraka

Créée fin 2001, cette compagnie charter a connu un développement très rapide. Elle entre aujourd’hui en Bourse pour financer ses nouvelles ambitions.

Publié le 25 juillet 2005 Lecture : 4 minutes.

Bienvenue à bord ! La compagnie charter privée tunisienne Karthago Airlines reçoit de nouveaux actionnaires. Elle cède 20 % de son capital, dont 12 % à travers une offre publique de vente (OPV), et 8 % à des d’investisseurs étrangers et institutionnels.
Pourquoi cette cession, qui réduit d’autant la part des promoteurs de la compagnie ? « Nous faisons cela pour accroître notre notoriété et pour dynamiser le marché financier, répond Belhassen Trabelsi, principal actionnaire et président de la compagnie. Mais aussi pour financer notre développement. »
Les perspectives d’avenir pour le transport aérien tunisien sont en effet favorables à un tel développement. Plus de six millions de visiteurs sont prévus en 2005. Les carnets de commande des compagnies aériennes battant pavillon tunisien sont bien remplis. Les hôtels, y compris ceux du groupe Karthago, affichent complet pour toute la saison estivale en cours. Les performances de Karthago Airlines depuis son lancement il y a trois ans, telles que communiquées aux intermédiaires en Bourse, sont également impressionnantes. La compagnie a gagné de l’argent dès la première année, puis son bénéfice net a progressé de 144 % en 2003 et de 35 % en 2004. Qui plus est, affirment ses dirigeants, elle est très peu endettée. La baraka, en somme.
Karthago Airlines est pourtant née sous une mauvaise étoile. Lorsqu’elle a été enregistrée comme compagnie charter le 12 novembre 2001, tout le monde a crié à la folie. Et pour cause : on était au lendemain des attentats du 11 Septembre, dont les effets dans les jours qui ont suivi et pendant au moins deux ans ont été catastrophiques pour le transport aérien et le tourisme dans le monde. Et c’est en pleine crise mondiale, aggravée par la deuxième guerre du Golfe en 2003, l’épidémie du Sras en Asie et le recul du marché allemand, que Karthago Airlines a commencé ses vols commerciaux en mars 2002. Quel est le secret de sa réussite ? « La crise nous a donné des ailes », répond Trabelsi, qui compte parmi ses associés un professionnel de l’hôtellerie et des voyages, Adel Boussarsar, et un spécialiste du transport aérien, Mehdi Gharbi, numéro deux de la compagnie.
Au départ, Karthago a eu la chance de bénéficier de conditions très avantageuses de la part de Ansett Worldwide, le spécialiste de la location de Boeing. Plutôt que de laisser ses appareils rouiller sur les pistes, la firme américaine a pratiquement bradé le prix de location de deux appareils 737-300 sur cinq ans. En juillet 2005, Karthago disposait d’une flotte homogène de six Boeing 737-300 de 148 sièges chacun. La compagnie a réussi ainsi à comprimer ses coûts et à disposer d’une meilleure flexibilité dans la programmation des opérations. Pendant la haute saison, Karthago a recours à des locations d’appoint – avions et équipages -, comme c’est le cas cet été avec un gros-porteur Airbus A-300-600 de 298 sièges. Elle a adopté une stratégie commerciale agressive visant à prendre des parts de marché aux quelque 80 compagnies charters étrangères opérant en direction de la Tunisie. Contrairement à ce qu’on avait pu craindre lors de son arrivée sur le marché, la part du pavillon tunisien est en constante hausse et celle des transporteurs étrangers en baisse.
La compagnie ne prend pas non plus de grands risques financiers. Exclusivement charter, elle vend par contrats la totalité de ses sièges à une cinquantaine de tour-opérateurs, grâce à une politique là aussi flexible qui s’adapte aux besoins de ses clients. Les contrats sont honorés une semaine avant le départ de l’avion. De surcroît, société totalement exportatrice, elle bénéficie de la déduction de ses revenus de l’assiette de l’impôt (les dix premières années) et est exonérée de TVA.
Karthago Airlines a un partenariat avec Air France Industries, qui prend en main l’assistance technique de ses avions dans la quarantaine d’aéroports européens où ils atterrissent. En Tunisie, elle bénéficie de l’assistance technico-opérationnelle de la compagnie nationale Tunisair, notamment pour ce qui concerne les pièces de rechange des Boeing 737-300. Elle commence à s’autonomiser sur le plan technique à l’aéroport de Djerba, où sont concentrées 60 % de ses activités, le reste étant réalisé à Monastir (30 %) et Tunis-Carthage (10 %).
La volatilité des prix du kérosène ne semble pas trop inquiéter les dirigeants de la compagnie, qui signalent que tous les contrats actuels avec les tour-opérateurs sont fondés sur une prévision d’un baril de pétrole 55 dollars. À l’instar de ce qui se passe chez leurs confrères, un système d’indexation permettrait de répercuter toute augmentation sur les prix du billet.
En revanche, c’est la saisonnalité qui pourrait constituer un frein à une croissance plus rapide d’activités liées à 100 % au tourisme tunisien. Celui-ci est essentiellement balnéaire avec une haute saison allant de juin à septembre où Karthago réalise 52 % de ses heures de vol de l’année. En dehors de cette période, l’activité charter est plus réduite. Pour passer, à l’horizon 2007, d’une part de marché de 10 % à 15 %, il faut optimiser l’utilisation des avions tout au long de l’année. Les responsables de la compagnie disent avoir des contacts avec des pays de l’hémisphère Sud, où la haute saison touristique correspond à la basse saison tunisienne. Ils cherchent aussi à développer des lignes régulières, comme cela a déjà été fait vers Moscou. Cela suppose plus d’appareils, dont les coûts de location pourraient s’avérer, un jour ou l’autre, moins avantageux que l’achat.
L’entrée en Bourse est précisément destinée à satisfaire ces ambitions. Elle est conçue comme un premier pas vers une augmentation du capital et un accès aux ressources du marché financier pour les futurs investissements, notamment l’acquisition d’avions.

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