Je vous écris de Hanoi…

Publié le 25 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Découvrir Hanoi en cyclo-pousse, c’est faire fi du temps qui passe, celui d’à présent comme celui de l’histoire du Vietnam, et se moquer de la sempiternelle image du nanti paresseux. C’est prendre la peine de poser son regard sur la ville aux couleurs tendres ou acidulées, ses maisons, ses rues qui serpentent lentement le long du fleuve Rouge et de lac en lac. Lentement ? Oui, ici on roule à faible allure bien que, curieusement, les conducteurs restent en quatrième, un sous-régime auquel sont soumis même les gros 4×4. Hà-Nôi signifie « à l’intérieur, en deçà du fleuve », ce qui dit bien l’importance du cours d’eau et quels ravages il peut causer. D’ailleurs, les grandes routes sont construites en surplomb pour servir de digues, permettre la circulation en toute saison et protéger les quartiers des crues dévastatrices.
N’en déplaise à sa rivale du Sud, Ho Chi Minh-Ville – l’ancienne Saigon -, Hanoi demeure le centre historique du Vietnam. Active, surpeuplée, elle est aussi le symbole de la résistance contre les occupants de tout acabit, Français comme Américains. Ses maisons sont hautes, comptant deux, trois voire quatre étages, même les plus modestes. Le terrain à bâtir est cher et rationné. On tente donc d’occuper le moins de place possible au sol, à peine deux pièces consécutives, et l’on multiplie des escaliers et les interniveaux. Le style composite est aéré, avec des colonnettes, des encorbellements, des jalousies. Cette absence d’homogénéité rend la balade pleine de surprises. L’oeil indiscret pénètre sans difficulté dans l’intimité des demeures – où les ventilateurs peinent à remuer un air lourd, saturé d’humidité -, dont les fenêtres sont à peine voilées par la verdure des plantations. La végétation, omniprésente, prend racine jusque dans les bacs, pots et jardinières qui parsèment les trottoirs. Les fleurs s’épanouissent dans la touffeur nocturne comme sous l’implacable soleil de midi. On sent qu’il suffirait d’un rien pour que la forêt, proche, reprenne ses droits sur la ville.
Perché sur sa selle très haute, la main sur un improbable frein qui consiste en un morceau de câble électrique relié à un disque qui enserre le moyeu de la roue arrière, le cyclo-pousseur gagne sa vie à la sueur de son front. Cuisses musculeuses, dos voûté par l’effort, mains crispées sur la barre de guidage, la façon dont il s’insère dans la circulation est en tout point admirable. Grosses cylindrées, motos japonaises assemblées dans les usines locales, étonnamment silencieuses, camions crachotants, rien ne retient son irrésistible effort.
Vues au ras du sol, les images sont plus fantasmatiques que réelles. Femmes, souvent très belles, vêtues de l’Ao Dai, un long caftan ouvert des deux côtés jusqu’à la taille sur un pantalon large et fluide, qui traversent d’un pied sûr les carrefours enfumés. Forêt de Thuy Tu, le fameux « chapeau chinois », couvre-chef conique des paysans. Leur armature est composée de cerceaux de bambous sur lesquels sont cousues, au fil de nylon, trois couches de feuilles de latanier vernies. Près du marché, on voit aussi des palanches, ces longues tiges de bambou portées sur l’épaule, au bout desquelles sont suspendus plateaux ou paniers souvent lourdement chargés. Le chômage n’existe pas, et les 3,5 millions d’habitants de Hanoi sont hyperactifs dès potron-minet, en ville où dans les champs de riz inondés, qui s’étalent dès que l’on sort du centre urbain. Une légère modulation dans le vert annonce au connaisseur la maturité des grains, récoltés le plus souvent à la main. Ici, le riz est tout. On en fait trois récoltes par an, le pays est exportateur et travaille à améliorer sans cesse la qualité, pour séduire un Occident grand amateur de Basmati indien auquel la production vietnamienne espère faire concurrence. Il est le symbole de la fidélité, alors que la soupe est celui de l’infidélité. Normal : elle se mange dans la rue, alors que le riz se déguste à la maison…

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