Mali : la Coordination des mouvements de l’Azawad impose des nouvelles règles aux habitants de Kidal

C’est désormais officiel : la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui administre Kidal depuis plusieurs années, a annoncé l’imposition de nouvelles règles dans la ville. De l’interdiction de la vente et de la consommation d’alcool à l’imposition d’un titre de séjour spécial pour les étrangers, la CMA a décidé d’encadrer presque tous les domaines.

Un Casque bleu à Kidal, le 28 juillet 2013. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Un Casque bleu à Kidal, le 28 juillet 2013. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Publié le 16 février 2019 Lecture : 3 minutes.

« Pour la mise en œuvre de la politique générale de la CMA qu’adjure sa structuration, la nécessité s’impose de la mise en place d’un arsenal réglementaire régissant la vie courante de la société, adaptée à ses cultes, ses us et coutumes. » C’est ainsi que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) résume les nouvelles règles imposées depuis le 30 janvier dans la région de Kidal.

Sur deux pages, les ex-rebelles qui administrent la ville annoncent les nouvelles règles qui s’appliqueront désormais à tout le monde, en touchant souvent des domaines qui sont généralement dévolus à l’Etat. C’est le cas par exemple de la présence dans la région des étrangers, dont près de 800 travaillent dans l’orpaillage. « Au plan du séjour pour les étrangers, chacun doit avoir une pièce d’identité de son pays d’origine, un tuteur local, un permis de séjour de la CMA en cours de validité », peut-on lire dans ce document.

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Les conducteurs de motos ciblés

Depuis la crise de 2012, Kidal, qui comptait trois petits restaurants où les gens pouvaient consommer de l’alcool, n’en possède plus un seul. À partir du 30 janvier, « la vente et la consommation de l’alcool » sont officiellement interdites, ainsi que « l’incitation, exposition ou publicité des boissons alcoolisées », précise le texte.

À Kidal, les cérémonies de mariage avaient lieu la nuit et le maire était appelé à venir célébrer l’union. Avec les nouvelles règles, ce n’est plus possible : « La manifestation, le meeting ou le sit-in doivent faire l’objet d’une demande écrite précisant la nature et le calendrier de l’évènement, à adresser au Bureau régional, et les évènements culturels nocturnes sont désormais non autorisés. »

Il y a eu des plaintes de la part des populations concernant la sécurité, justifie Ilad Ag Mohamed, un responsable de la CMA

« Il y a eu des plaintes de la part des populations concernant la sécurité. Tout le monde sait que Kidal est administrée par la CMA, donc ces nouvelles règles nous permettront de répondre aux attentes de la population », justifie Ilad Ag Mohamed, un responsable de la Coordination.

Selon un habitant de Kidal, cette nouvelle règlementation a commencé à être appliquée depuis le jeudi 14 février. « Nous voyons des hommes de la CMA partout dans la ville. Pour le moment, ce sont les motos qui sont dans leurs viseurs. Beaucoup sont saisies et leurs propriétaires doivent aller au bureau de la CMA de la ville pour s’identifier avant de pouvoir les récupérer », explique ainsi ce riverain. « D’après ce que la CMA nous a dit, un migrant ne peut plus séjourner dans la région sans tuteur ni pièce d’identité », ajoute-t-il. La zone autour de Kidal est un lieu de transit important pour ceux qui tentent de rallier l’Europe en passant par l’Algérie.

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Prérogatives renforcées pour le cadi

« Les contraventions sont émises par les services de répression, qui en rendent compte au cadi à travers un procès-verbal (PV) », énonce encore le document. Le rôle du cadi [juge islamique] est ainsi indirectement renforcé – le Mali est pourtant un pays laïc. « Cela ne date pas d’aujourd’hui. Le cadi a toujours rendu justice à Kidal, une ville régie par les règles islamiques », estime Ilad Ag Mohamed.

Contacté par Jeune Afrique, le porte-parole du gouvernement malien, Amadou Goita, n’a pas souhaité réagir sur le sujet. En attendant, Kidal reste sous le contrôle de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), alors que l’accord de paix signé en 2015 tarde toujours à entrer en vigueur dans sa totalité.

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