Vers une rupture dans les relations franco-algériennes ?

Publié le 25 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Assurément, Nicolas Sarkozy, qui n’a cessé, au cours de la campagne électorale, de dénoncer l’« obsession de la repentance », ne prononcera pas les excuses demandées par Abdelaziz Bouteflika pour les « crimes commis par la France pendant la colonisation ». L’objectif de lier la rénovation des instruments de coopération bilatérale au règlement des questions de mémoire ne guidera donc plus la politique diplomatique de la France envers l’Algérie. Il en est définitivement terminé du projet de traité d’amitié né, en 2003, de la Déclaration d’Alger.
Pour progresser, les relations franco-algériennes vont devoir se concentrer sur les projets de coopération concrète. En ce domaine, le retard est colossal – particulièrement au plan économique. Réseaux de télécommunication, modernisation du système bancaire et financier, infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, construction immobilière : dans tous ces secteurs – excepté quelques réussites ponctuelles -, la France est distancée par ses concurrents chinois, américains ou arabes.
Les déclarations de Nicolas Sarkozy en faveur d’un rapprochement entre Gaz de France et Sonatrach, et pour la construction d’un partenariat énergétique nucléaire vont dans le sens d’un volontarisme diplomatique de bon aloi. Bien que froidement accueillies à Alger, elles amorcent une évolution : l’objectif d’obtenir des résultats tangibles dans le domaine de la coopération prime celui d’« assumer le legs du passé ».

Mais cela ne suffit pas. Lutte antiterroriste, circulation des personnes (la délicate question des visas), coopération éducative, accession des entreprises françaises au marché algérien, transferts de technologies, sécurisation de nos approvisionnements énergétiques : tous ces sujets méritent d’être traités dans un cadre diplomatique adéquat qui dépasse l’activisme de terrain. Pourquoi ? Parce que les traités internationaux qui lient la France à l’Algérie remontent aux années qui ont suivi les Accords d’Évian : ils avaient pour but d’organiser la souveraineté du nouveau pays indépendant et ne permettent pas d’avancer sur les nouvelles priorités communes. Cette refondation nécessaire des relations franco-algériennes peut aujourd’hui s’opérer selon deux voies.
Une première voie consiste à négocier un traité d’amitié simplifié, de nature technique, confiné aux aspects majeurs de la coopération bilatérale. Un tel traité est quasi prêt côté français et ne soulève pas d’opposition de fond côté algérien. C’est, en somme, le traité d’amitié envisagé par Jacques Chirac, défeuillé de ses aspects problématiques liés au règlement des questions de mémoire. Mais il est peu probable qu’Abdelaziz Bouteflika en veuille si les aspects mémoriels n’y figurent pas. Une deuxième voie consiste à investir radicalement dans le développement des relations, encore embryonnaires, entre l’Algérie et l’Union européenne.
L’exemple de la mise en uvre de l’accord d’association montre l’ampleur de la tâche à accomplir : entrées en vigueur en 2005, les premières mesures douanières et tarifaires demandées par l’UE tardent à être appliquées. Au fond, l’Algérie butte contre deux difficultés. D’abord, elle s’adapte lentement aux méthodes originales imposées par son nouveau partenaire européen. Ensuite, refusant de s’unir avec le Maroc et la Tunisie, elle peine à entrer dans une logique de coopération régionale, base de tout partenariat euro-méditerranéen fructueux.

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Or une Europe influente en Algérie sert la France, car les intérêts de l’une et de l’autre convergent parfaitement et les politiques de coopération traitent des mêmes sujets : circulation des personnes, État de droit, gouvernance, coopération antiterroriste, réformes économiques et structurelles. Ce que l’UE défend au travers du programme Meda et de l’accord d’association, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni ou l’Italie tentent, depuis trop longtemps, de le faire de manière isolée et sans grand résultat.
Cette stratégie présente l’avantage de l’efficacité. Car les autorités algériennes savent bien que les vieilles lunes anticoloniales n’impressionnent pas les autres pays européens, que seuls intéressent les résultats. Les questions de mémoire qui encombrent tant la relation franco-algérienne sont évacuées ipso facto quand l’interlocuteur est européen.
Que les autorités françaises promeuvent et exploitent au maximum les potentialités de la coopération Algérie-UE serait un changement de méthode diplomatique important, et une rupture profonde dans l’attitude de la France envers son ancienne colonie. Si l’on en croit son diagnostic sur le désintérêt de l’Europe pour la Méditerranée, Nicolas Sarkozy sera peut-être l’homme de cette rupture.

* Henri Zeller (27 ans) est ancien élève de l’École nationale d’administration (promotion République).

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