« L’homme au chapeau » tire sa révérence

Publié le 25 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

Mamadou Konté s’est éteint à Dakar, le 20 juin, à l’âge de 62 ans. Avec sa silhouette longiligne, son visage avenant à peine dissimulé par une barbe et une moustache poivre et sel, ses longs dreadlocks et son éternel chapeau, « Mamadou », comme tout le monde l’appelait, ne passait pas inaperçu. Sans connaître les combats qu’il a menés quarante ans durant, ceux qui avaient l’occasion de le croiser comprenaient qu’il n’était pas un homme ordinaire.
Mamadou Konté est né à Tambacounda, près de la frontière malienne. Comme de nombreux jeunes Africains après les indépendances, il rejoint la France pour travailler comme ouvrier. À l’époque quasi-analphabète, il apprend à lire et à écrire avec ses camarades communistes. En 1968, révolté par les conditions de vie et de travail des immigrés, il devient meneur de grève…
Coupé de ses racines et désireux de faire découvrir les sonorités du continent, il organise régulièrement des fêtes pour ses collègues et ses amis du foyer qu’il habite. Ces soirées attirant de plus en plus de monde, il fait venir des musiciens du Mali, du Sénégal ou de Guinée et finit par organiser de vrais concerts. Au bout de quelques années, il abandonne chantiers et petits boulots pour se consacrer entièrement à la promotion des artistes africains.
En 1978, pour sensibiliser l’opinion à la condition des immigrés, il crée la structure Africa Fête et le festival du même nom. La première édition a lieu à Paris. Depuis, la manifestation se tient, chaque année, alternativement en Europe et en Afrique*. Elle réunit aussi bien des artistes de renommée internationale que de nouveaux talents. En 1998, une édition américaine a même été lancée en partenariat avec Island Records, la maison de production dirigée par Chris Blackwell, le producteur de Bob Marley.
Mamadou Konté a permis à de nombreux artistes aujourd’hui mondialement connus – Manu Dibango, Salif Keïta, Touré Kunda, Angélique Kidjo – de se produire sur les scènes les plus prestigieuses. Très ouvert, il tenait beaucoup à la diversité musicale, mais exigeait toujours de « ses » artistes qu’ils accordent une place de choix aux sonorités et rythmes africains. Il a travaillé avec Baba Maal à l’époque où celui-ci s’essayait encore au reggae, soutenu Ismaël Lô et son folk, produit Positive Black Soul, le pionnier du rap africain…
En dépit de problèmes financiers récurrents qui mettaient parfois un frein à ses ambitions, Mamadou a fait bien plus que promouvoir les musiques et les artistes. Il voulait que le show-biz africain soit géré par des professionnels bien formés aux métiers de la musique. Chaque année, Africa Fête organisait donc des rencontres internationales auxquelles participaient de nombreux jeunes. La lutte contre la piraterie musicale aura été son dernier cheval de bataille. Il présidait la Coalition interprofessionnelle des producteurs et éditeurs de phonogrammes du Sénégal (Cipeps), très impliquée dans ce combat. Mamadou Konté « l’homme au chapeau » a, pour la dernière fois, tiré sa révérence

*Africa Fête 2007 aura lieu à Marseille, le 30 juin. Site Internet : www.africafete.com

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