Le salut par Barghouti ?

Publié le 25 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

« On ne dialoguera pas avec les terroristes. » Non, ces propos définitifs ne sortent pas de la bouche d’un quelconque dirigeant israélien, mais de celle de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, qui désigne ainsi les dirigeants du Hamas, également qualifiés de « putschistes » et d’« assassins ». De telles outrances chez un homme réputé modéré traduisent autant le désarroi du leader du Fatah que les incertitudes qui entourent ce qui lui reste de pouvoir. Après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, il a proclamé l’état d’urgence et renvoyé le gouvernement d’union dirigé par Ismaïl Haniyeh. Mais son autorité, déjà théorique, se limite désormais à la Cisjordanie occupée.
En vérité, Abou Mazen (le nom de guerre d’Abbas) se trouve dans une situation d’une extrême précarité. En croisant le fer avec le Hamas à Gaza, il s’est enfin décidé à mener une opération réclamée depuis longtemps par les Israéliens et les Américains – et pour laquelle une aide spécifique (entraînement, armes, etc.) lui avait été fournie. Las, loin d’affaiblir le mouvement islamiste, la déroute peu glorieuse de ses appareils de sécurité l’a spectaculairement renforcé. Le job a été fait – mal, il est vrai -, mais il n’est pas certain qu’Abbas sera payé de retour.
George W. Bush et Ehoud Olmert ont examiné la nouvelle donne, à Washington, le 19 juin. Ils ont multiplié les déclarations chaleureuses à l’endroit du président de l’Autorité palestinienne, mais, pour le moment, ils le soutiennent comme la corde soutient le pendu. Le quotidien israélien Haaretz estime qu’ils se trouvent dans une situation « pathétique » et sont contraints de jeter leur dévolu sur une « planche pourrie ». Notre excellent confrère dresse un diagnostic sans nuance : Abbas est « une fiction » et « ne peut plus être sauvé ».
Au-delà d’Abou Mazen, le procès de Mohamed Dahlan (46 ans) est désormais ouvert. Conseiller du président palestinien et partenaire « incontournable » des Israéliens et des Américains, il est le patron des services de sécurité du Fatah et, à ce titre, le grand perdant de la bataille de Gaza. Pour tenter de regagner les faveurs de la « rue palestinienne » et de renouer les fils avec le Hamas, les vétérans de l’organisation fondée par Yasser Arafat réclament sa tête.
« L’homme fort de Gaza » n’était pas sur place au moment de l’affrontement final : depuis plusieurs semaines, il se partage entre l’Allemagne et l’Égypte, suite à une opération du genou. Sa responsabilité n’en est pas moins directement engagée. Après les victoires électorales du Hamas, le Fatah a cherché à garder la main en compensant son déficit de popularité par un renforcement des appareils de sécurité. Et c’est Dahlan qui a été chargé d’appliquer cette politique qui a spectaculairement fait fiasco à Gaza.
Une autre voix s’est élevée pour exiger le limogeage de tous les « sécuritaires » : celle de Marwane Barghouti. Du fond de sa prison, où il purge une peine de réclusion à perpétuité, le très populaire leader du Fatah reste attaché au gouvernement d’union nationale dont il posa les prémices, en mai 2006.
La fin de l’ère Dahlan annonce peut-être le début de celle de Barghouti. Le « Mandela palestinien » est plus que jamais l’homme de la situation, voire l’homme providentiel. Les points qu’il a marqués dans l’opinion – palestinienne et israélienne – lui offrent la possibilité de sauver les chances de la paix et, au passage, l’Autorité palestinienne et son président. Le 21 juin, le titre de l’éditorial du Haaretz était sans ambiguïté : « Libérez Barghouti ! » « Si, hier, écrit le quotidien, son arrestation et sa condamnation n’étaient pas absolument nécessaires, il ne fait aucun doute que sa libération serait aujourd’hui un acte de sagesse politique. » Un ministre – et ancien patron du Shin Beth – est intervenu publiquement dans le même sens. Olmert, qui devait s’entretenir avec Abbas, Hosni Moubarak et Abdallah II de Jordanie, a annoncé des « mesures de grande portée » en faveur des Territoires. La libération de Marwane Barghouti serait assurément la plus facile et la plus féconde.

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