Code électoral en Tunisie : pourquoi les députés ne parviennent pas à se mettre d’accord

Attendu depuis plusieurs mois, l’amendement du code électoral est étudié actuellement à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Après deux jours de débats, les députés ne sont pas parvenus à se mettre d’accord, notamment concernant un redécoupage des circonscriptions, enjeu majeur en vue du scrutin législatif de fin d’année.

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en Tunisie. © Hassene Dridi/AP/SIPA

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en Tunisie. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Publié le 21 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Au cœur des discussions, le relèvement du seuil de représentativité électorale de 3 à 5 %, mais également une révision du découpage des circonscriptions électorales et le nombre de sièges qui leur seront attribués. Une initiative législative présentée par le gouvernement qui l’a faite sienne, alors qu’elle a été initialement lancée par la présidence en 2017, puis portée par différents partis dont Nidaa Tounes et Machrou Tounes.

Pour comprendre la tournure prise par le débat, il faut en revenir à la séance plénière du mardi 19 février qui, malgré l’enjeu, s’est déroulée sur un ton apaisé. Dans un hémicycle clairsemé où les ténors des principaux partis étaient absents, elle a quand même donné l’occasion aux élus de tous bords de présenter un diagnostic sévère de la situation politique.

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« Pourquoi maintenant ? »

Sans concessions, certains, comme l’indépendant Yassine Ayari, se sont même livrés à une critique virulente de l’assemblée. « Pourquoi vouloir changer les règles du jeu dans le dernier quart d’heure ? », a fustigé cet élu. Comme lui, de nombreux députés, sauf ceux d’Ennahdha et de la Coalition nationale, se sont interrogés sur l’opportunité d’une refonte du code électoral à quelques mois des scrutins législatifs et présidentiel, prévus respectivement en octobre et novembre.

D’autres ont fait remarquer que le passage à 5 % laminerait les petits partis et les indépendants, éradiquant l’opposition au sein du Parlement

« Pourquoi maintenant ? », a renchéri Myriam Boujbel, du bloc El Horra, dénonçant la corruption politique et déplorant « l’absence de Cour constitutionnelle à même de garantir une bonne gouvernance, nécessaire à un environnement démocratique ». D’autres ont fait remarquer que le passage à 5 % laminerait les petits partis et les indépendants, éradiquant l’opposition au sein du Parlement. « Ce sont pourtant les députés élus avec de faibles pourcentages qui prennent le plus à cœur leur mission », a assuré Noomane El Euch, du Bloc démocrate.

« Il faut bien une majorité pour légiférer »

Tandis que certains crient au hold-up de la démocratie, le député Ghazi Chaouachi estime que tout le code électoral est à revoir, mais qu’il serait opportun de le faire à tête reposée en début de législature. Dans la même veine, Adnane Hajji, du mouvement de l’Allégeance à la patrie (Al-Walaa lel Watan), incite à revoir également le règlement sur les sondages, le contrôle des médias, le temps de parole attribué aux partis, leur financement, le nomadisme politique et la représentativité des régions.

Certains sont même allés plus loin, sous-entendant que le découpage des circonscriptions avait été réalisé par le gouvernement et que cet amendement servait le groupe parlementaire de la Coalition nationale – qui soutient le chef de l’exécutif et s’apprête à devenir le parti Tahya Tounes. Le constitutionnaliste Sadok Belaïd confirme que cette manœuvre profiterait à deux partis et polariserait le paysage politique.

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>>> À LIRE – Tunisie – Seuil de représentativité électorale à 5% : mort des petits partis ou efficacité renforcée ?

Outre les demandes de reddition de comptes adressées au gouvernement, représenté en séance par Iyed Dahmani, ministre chargé des relations avec le Parlement, le sujet était quand même la révision du seuil électoral. Hager Ben Cheikh Ahmed, de la Coalition nationale, a défendu le seuil des 5 %, arguant qu’il évitait le morcellement car « il faut bien une majorité pour voter les lois ».

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Quant aux parlementaires d’Ennahdha, ils se sont montrés plus nuancés. Sans réellement se prononcer en faveur du nouveau seuil, ils ont signifié – autant Sahbi Atig que Habib Kheder – qu’il fallait « apprendre à s’allier et que l’essentiel de la bataille n’est pas autour des seuils mais des contenus ». Certains députés, qui ont refait l’historique de la révolution, ont conclu en assurant que ce système permettait d’éviter le retour en politique de figures de l’ancien régime.

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