Ce que veulent les Américains

Priorités de l’administration Bush : le renforcement de la coopération antiterroriste et la conclusion d’un accord de libre-échange.

Publié le 25 juin 2007 Lecture : 4 minutes.

Le 13 juin, à Washington, Abdelwahab Abdallah, le chef de la diplomatie tunisienne, a eu une journée bien remplie. Il s’est d’abord entretenu avec Condoleezza Rice, la secrétaire d’État, en présence de David Welch, le sous-secrétaire chargé du Moyen-Orient. Rice et Abdallah s’étaient déjà rencontrés en octobre 2005. Routine ? Presque. Sauf que, le même jour, le ministre tunisien a également été reçu, à la Maison Blanche, par le vice-président Dick Cheney, puis, au Capitole, par le Congrès, à l’occasion de la cérémonie de lancement du « Tunisia Caucus », un groupe bipartisan chargé de promouvoir les relations entre les deux pays.
Dans la capitale fédérale, Abdallah a abordé un certain nombre de thèmes déjà évoqués lors des récentes rencontres entre responsables des deux pays : relations bilatérales (politiques, militaires et économiques) ; lutte contre le terrorisme au Maghreb et en Afrique ; Darfour et Palestine. « La visite aura au moins permis aux Américains de clarifier leurs demandes sur tous ces dossiers chauds », commente un vétéran de la diplomatie tunisienne.
Au moment même où Abdallah s’envolait pour Washington, Robert L. Moore, de l’US European Command, le commandement américain basé à Stuttgart, arrivait à Tunis. Rien n’a filtré de cette visite, mais l’on sait que Moore est chargé de la planification stratégique, du transport, de l’approvisionnement et la fourniture de services pour les différents théâtres d’opérations…
Quelques jours auparavant, les 22 et 23 mai, avait eu lieu, à Tunis, la réunion annuelle de la commission militaire mixte, en présence de Therese Whelan, la sous-secrétaire adjointe à la Défense. Le 5 du même mois, l’amiral Edmund Giambastiani, chef d’état-major adjoint des forces armées américaines, avait lui aussi séjourné dans la capitale tunisienne.

Tout indique que les questions de sécurité sont actuellement au cur des préoccupations des deux parties. Il s’agit avant tout :
1. De doter la Tunisie de capacités d’intervention rapide contre le terrorisme, surtout après le démantèlement de cellules salafistes, en décembre et en janvier, près de Tunis ;
2. De préparer la participation de forces tunisiennes à des opérations de maintien de la paix, à la demande de l’ONU ou de l’Union africaine. Depuis mai 2006, les Américains demandent notamment à leurs interlocuteurs de fournir des troupes aux forces que l’ONU et l’UA se préparent à déployer au Darfour, dans l’ouest du Soudan. Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, en a probablement parlé avec Abdallah, le 12 juin à New York (voir encadré).
Sur le plan bilatéral, l’aide américaine à la Tunisie en matière de sécurité s’élève annuellement à un peu plus de 10 millions de dollars, sous forme de don, plus une ligne de crédit pour l’achat de matériels et de services. Pour 2007, cette ligne de crédit est d’environ 25 millions de dollars – une broutille. À en juger par divers documents émanant du département d’État, l’administration Bush souhaite contribuer à la modernisation de l’armée tunisienne (dont 70 % des équipements proviennent des surplus américains), en lui fournissant du matériel de surveillance (notamment de nuit) et un système de logistique, mais aussi en améliorant sa mobilité. Une partie de ces dons est destinée à la formation d’officiers. Près de 50 % d’entre eux (3 600 depuis le milieu des années 1980) ont déjà suivi des entraînements aux États-Unis. Plus spécifiquement, quelque 300 officiers de sécurité sont chaque année formés aux techniques du contre-terrorisme et de la protection civile.
Mais les Américains entendent aussi pousser leurs pions sur le plan commercial. Depuis plusieurs semaines, ils accentuent leur lobbying pour convaincre les Tunisiens d’accélérer les négociations en vue de la conclusion d’un Free Trade Agreement – autrement dit de la création d’une zone de libre-échange – couvrant la quasi-totalité des secteurs d’activités. À ce jour, quatorze pays, dont le Maroc (en 2004), la Jordanie et Israël, ont signé un tel accord bilatéral. Les dirigeants tunisiens ne sont pas hostiles au projet, mais les experts veulent qu’il soit négocié de manière à en tirer tous les avantages possibles, comme ce fut le cas avec l’Union européenne.

la suite après cette publicité

S’agissant de cette éternelle pomme de discorde que sont les droits de l’homme et la démocratie, dont l’administration Bush a fait son cheval de bataille au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, c’est le statu quo, même si les Américains ont semble-t-il mis une sourdine à leurs critiques. « La Tunisie est en tête dans la région en ce qui concerne les réformes économiques et sociales, a estimé David Welch, le 6 juin, devant le Sénat. Mais ce progrès contraste avec le rythme très lent des réformes politiques et les médiocres performances réalisées en matière de droits de l’homme. » Reste que les relations en matière de sécurité et de coopération antiterroriste étant « très bonnes », d’importants programmes d’assistance seront maintenus.
Mais, là aussi, les choses bougent. Le 31 mai, une délégation de dix congressmen s’est entretenue avec Zine el-Abidine Ben Ali, au palais de Carthage, pendant près d’une heure – une durée très inhabituelle. Interrogé à l’issue de la rencontre sur la question de la démocratie et des droits de l’homme, le démocrate John Tanner, qui dirigeait la délégation, a répondu en ces termes : « Nous avons parlé des progrès réalisés et de l’importance d’aller jusqu’au bout du processus. Il est certain qu’il faut aller du point A au point Z, et non pas s’arrêter au point M. Nous avons discuté de la manière dont tout ça pourrait se traduire par des actes et ne pas rester lettre morte. Sur ce plan, nous sommes confiants. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires