Bis repetita

Publié le 25 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

Pionnier de la littérature postcoloniale, le Britannique d’origine indienne Salman Rushdie est l’auteur du célébrissime Les Enfants de minuit (1981), une première uvre subversive et originale qui lui valut le prix du meilleur roman en anglais depuis vingt-cinq ans. La suite fut moins heureuse. En partie inspirés du Coran, Les Versets sataniques (1988), son quatrième roman, lui attirèrent les foudres du monde musulman. Jugeant le livre blasphématoire envers l’islam et son Prophète, l’imam Khomeiny prononça contre lui, le 14 février 1989, une fatwa le condamnant à mort. Ce qui le contraignit à vivre dans la clandestinité pendant près de dix ans, sous la constante protection de la police britannique.
Dix-huit ans plus tard, une nouvelle affaire Rushdie vient d’éclater. À l’origine, la décision du Royaume-Uni d’attribuer à l’écrivain, à l’occasion des 81 ans de la reine, le titre de chevalier. Pour services rendus à la littérature. Les relations entre l’Islam et l’Occident étant ce qu’elles sont, l’Asie musulmane, Pakistan et Iran en tête, s’est aussitôt embrasée. Ici et là, la souveraine et l’écrivain ont été brûlés en effigie tandis que retentissaient des appels au meurtre.
Depuis 1998, à la suite de la décision du gouvernement iranien d’« assouplir » la fatwa de Khomeiny, Rushdie avait pu reprendre une vie normale. Le voici de nouveau à la merci du premier extrémiste, ou du premier déséquilibré, venu. Tout ça pour ça ? On peut en effet s’interroger sur l’intérêt, pour un écrivain, de tels honneurs officiels, qui ne sont souvent qu’un moyen de mieux les contrôler.
Dans le passé, de nombreux artistes britanniques comme le metteur en scène Ken Loach, l’actrice Helen Mirren ou le poète d’origine caribéenne Benjamin Zephaniah, ont refusé d’être anoblis – et d’intégrer du même coup l’ordre de l’Empire britannique. Le dernier nommé, au nom de la mémoire de l’esclavage.
Rushdie, lui, s’est déclaré honoré par la décision royale. Il n’a pourtant pas toujours été tendre avec les dirigeants britanniques, notamment Margaret Thatcher, que, dans Les Versets sataniques, il caricature sous les traits de Maggie-la-garce. Il lui est même arrivé de dénoncer les passages à tabac systématiques des immigrants illégaux dans les commissariats de police. Il est vrai que la voix des sans-voix de l’Histoire que, dans ses premiers livres, il était parvenu à faire entendre, s’est tue depuis longtemps.

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