René Luneau

Père dominicain, auteur notamment des Religions d’Afrique noire avec Louis-Vincent Thomas, éd. Stock.

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Dominicain, le père René Luneau (73 ans) a vécu longtemps en Afrique. Il a été chercheur au CNRS et enseignant à l’Institut catholique de Paris. Il est auteur de plusieurs ouvrages dont Paroles et silences du Synode africain et Comprendre l’Afrique, parus chez Karthala, où il dirige la collection « Chrétiens en Liberté/Questions disputées ».

Jeune Afrique/l’intelligent : Quelles initiatives Jean-Paul II a-t-il prises en faveur de l’Église d’Afrique ?
Père René Luneau : Quand il est devenu évêque de Rome, en octobre 1978, il ne connaissait pas l’Afrique. Son premier voyage sur le continent a eu lieu en mai 1980, à Kinshasa. Par la suite, il y est retourné une bonne dizaine de fois. Son intérêt s’est traduit par l’Assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Afrique, qui s’est tenue à Rome, en avril-mai 1994, et avait été préparée pendant plus de cinq ans. Jean-Paul II envisageait la tenue d’une deuxième assemblée de l’épiscopat africain. En février 2004, les évêques s’étaient même réunis dans cette perspective. On ne sait quelle suite sera donnée à ce projet.

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J.A.I. : Qu’est-il ressorti de ce synode ?
R.L. : Deux cent dix évêques africains y ont pris la parole. Soixante-quatorze propositions y ont été faites, dont une cinquantaine ont été reprises dans l’exhortation apostolique Ecclesia in Africa (1995). Parmi elles, on peut citer la proposition d’organiser chaque année une journée de célébration pour les ancêtres, la création d’une sorte de ministère de la consolation, les questions de guérison et de santé étant très importantes dans les sociétés africaines. Enfin, la reconnaissance du mariage coutumier par l’Église, pour permettre aux couples ainsi unis d’accéder au mariage religieux. Mais il n’a pas été donné suite à ces demandes.

J.A.I. : Ce refus de prendre en compte les réalités culturelles africaines explique-t-il la montée des Églises évangélistes et afro-chrétiennes ?
R.L. : La croissance de ces Églises est en effet très importante. On estime à environ 1,5 million le nombre des fidèles qui les rejoignent chaque année. Cela traduit les manques des Églises officielles, qui ne répondent pas toujours sufisamment aux attentes des croyants.

J.A.I. : Vous avez soulevé ces questions dès 1994…
R.L. : Il faut y aller doucement. Lors du synode, l’un des points à l’ordre du jour était le dialogue interreligieux. On voulait dialoguer avec l’islam, et on l’a fait. On voulait également dialoguer avec la religion africaine traditionnelle et les Églises afro-chrétiennes. Des questions ont été posées sur l’intérêt des Africains pour ces Églises et un certain nombre de lacunes pastorales ont été mises en évidence. Mais je n’ai pas le sentiment que, sur le terrain, on accorde à ces questions l’attention requise.

J.A.I. : Alors que l’Afrique est l’un des continents le plus touchés par le VIH-sida, l’Église continue d’interdire l’usage du préservatif…
R.L. : Il y a un discours officiel, mais, sur le terrain, on peut aller au-delà. Dans certains pays, il y a eu ouverture. Dans d’autres, les positions sont restées plus conservatrices. Au Malawi, par exemple, où 30 % de la population est séropositive, on peut toujours rappeler la norme, mais on n’empêchera pas une femme mariée d’utiliser un préservatif si son mari est infidèle.

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J.A.I. : Un prêtre qui encourage l’usage du préservatif risque-t-il d’être condamné par sa hiérarchie ?
R.L. : Il ne sera pas condamné ! Comme disait l’abbé Pierre, on n’est pas obligé d’ajouter le crime à la faute.

J.A.I. : Comment va l’évangélisation de l’Afrique ?
R.L. : Sa progression suit largement la courbe démographique. En 1980, le nombre des baptisés était estimé à 50 millions. Il oscille aujourd’hui entre 120 millions et 130 millions. En fait, le christianisme progresse au même rythme que l’islam. Il y a un demi-siècle, on pouvait craindre qu’il ne disparaisse, dans la mesure où il était lié au fait colonial. Cela n’a pas été le cas. Aujourd’hui, un Africain sur trois ou quatre est chrétien. Et la place des catholiques africains est appelée à augmenter. En 1980, les occidentaux représentaient 44 % du total des catholiques, contre 33 % aujourd’hui. Dans les vingt ou trente ans qui viennent, les communautés chrétiennes africaines seront parmi les plus nombreuses au monde.

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