[Tribune] À tout senior tout honneur

Si les jeunes sont majoritaires en Afrique, la part des plus de 60 ans ne cesse de progresser. Et pour la prise en charge de ces seniors, l’exemple de la Maison d’accueil des sabukuru, dans la vallée de la Nyabarongo, au Rwanda, peut faire figure d’exemple.

Les collines de Nyabarongo, au Rwanda (Illustration) © Creative Commons / Flickr

Les collines de Nyabarongo, au Rwanda (Illustration) © Creative Commons / Flickr

Scholastique Mukasonga

Publié le 1 mars 2019 Lecture : 2 minutes.

Selon la formule consacrée, l’Afrique est un continent « jeune ». Sans doute faudrait-il dire un continent « de jeunes ». Les statistiques sont éloquentes : en Afrique subsaharienne, par exemple, la proportion de la population de moins de 25 ans serait de 60 %. Mais les jeunes ont beau y être majoritaires, on n’en vieillit pas moins, et l’espérance de vie ne cesse de progresser pour atteindre désormais 60 ans. Il y a donc des seniors en Afrique, et il serait temps de s’intéresser à eux.

Dans l’absolu, enfants et petits-­enfants devraient prendre en charge leurs parents âgés. Un proverbe rwandais ne dit-il pas : « Un vieux lièvre tète ses enfants » ? Mais l’exode rural et ­l’urbanisation accélérée ont ébranlé ces solidarités familiales traditionnelles.

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Le cas du Rwanda

Le Rwanda, par exemple, n’échappe pas à ces mutations. Ceux qui sont en quête d’une formation ou d’un emploi affluent à Kigali, et les parents vieillissants restent sur la colline. Se mettent alors en place de nouvelles formes de prise en charge. Moyennant une compensation, les filles ou les fils du voisin restés sur place servent de petits-enfants de substitution.

Dans le cas particulier de ce pays se pose le cas tragique des veuves esseulées après que toute leur famille a été massacrée. Je m’inquiétais de leur sort, j’étais prête à monter une association… À Kigali, on m’a dit : « Va plutôt voir chez toi, à Nyamata. »

Souvent, les voisins eux-mêmes appellent à l’aide, la solidarité de voisinage ne suffisant plus

À l’entrée de mon village, les bâtiments flambant neufs de la Maison d’accueil des sabukuru [« les plus âgés »] s’étagent sur le flanc de la vallée de la Nyabarongo. La directrice m’explique que c’est la première des sept structures qui sont opérationnelles depuis un an dans le pays. Elles ont été créées au terme d’une enquête nationale sur la situation des veuves du génocide.

Souvent, les voisins eux-mêmes appellent à l’aide, la solidarité de voisinage ne suffisant plus. Il faut ensuite préparer psychologiquement les vieilles dames à quitter la colline où elles ont toujours vécu, leur lopin de terre et même, parfois, la fosse des latrines où a été jeté le corps de leur époux.

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Le centre de Nyamata héberge aujourd’hui 35 personnes, dont une majorité de femmes, pour une capacité de 72. Bien des Ehpad, en France, envieraient son confort fonctionnel. Les pensionnaires sont deux par chambre, une jeune et une plus âgée pour stimuler l’autonomie de cette dernière.

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Toutes, dans la mesure de leurs capacités, participent à la vie de la maison : cuisine, jardinage, ménage, ­lessive. Elles touchent une pension de l’État de 30 000 RWF (30 €) par mois et sont munies d’un portable, outil de communication indispensable pour garder le lien avec leur colline.

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