[Tribune] Le Venezuela, une leçon pour l’Afrique

Nicolás Maduro (et Hugo Chávez à titre posthume) devraient recevoir le prix Nobel d’économie 2019. Ils ont accompli un exploit qu’aucun économiste n’aurait cru possible.

Nicolas Maduro, président du Venezuela, brandissant la Constitution lors d’une conférence de presse, le 8 février 2019. © Rodrigo Abd/AP/SIPA

Nicolas Maduro, président du Venezuela, brandissant la Constitution lors d’une conférence de presse, le 8 février 2019. © Rodrigo Abd/AP/SIPA

Fouad Laroui © DR

Publié le 1 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Prenez un pays peu peuplé, avec une population éduquée, assis sur les plus grandes réserves de pétrole de la planète, proche de régions consommatrices de produits pétroliers. Est-il possible de ruiner entièrement ce pays ? Est-il concevable que le salaire moyen mensuel s’y dégrade au point qu’il ne permette plus d’acheter que… six œufs ? Peut-on imaginer une inflation de 18 000 % quand on est, potentiellement, la Suisse ou le Koweït ?

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Mettez même un chimpanzé ou ma grand-mère en charge d’un tel eldorado, ni l’un ni l’autre ne réussirait à le transformer en clochard international

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Au temps lointain de mes études d’économie, j’aurais répondu résolument « non » à toutes ces questions. Et j’aurais ajouté : « Mettez même un chimpanzé ou ma grand-mère en charge d’un tel eldorado, ni l’un ni l’autre ne réussirait à le transformer en clochard international. » Combien je me trompais… Chávez n’est pas un singe ni Maduro ma grand-mère et pourtant ces deux gugusses ont accompli l’impossible. Bravo ! Chapeau bas !

Qu’est-ce que Maduro a de plus que nous ?

Vous me dites :
– Pourquoi tu t’énerves ? Tu as des actions là-bas ? De la famille, des amis ?

Non. Au fond, le Venezuela m’indiffère ; mais l’Afrique est chère à mon cœur. Et c’est pourquoi il me semble que tous les Africains devraient méditer cette grandiose faillite concoctée par les génies de Caracas et se demander : ne pouvons-nous pas faire mieux ? Qu’est-ce que Maduro a de plus que nous ? Sommes-nous des hommes ou des souris ?

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« Le pétrole paiera »

Allons, retroussons nos manches ! Ou plutôt : faisons le geste contraire, et n’en fichons plus une. Pourquoi travailler quand on peut tirer au flanc toute la journée ? Le travail, c’est une invention du capitalisme. Au lieu de trimer, frimons : défilés militaires, meetings, discours interminables, coups de menton et, pour finir, salsa et chants révolutionnaires, voilà le mot d’ordre. Le pétrole paiera.

Mais l’oisiveté ne doit pas être réservée à une élite. Notre slogan : du non-travail pour tous ! Tout jeune qui veut se lancer dans les affaires aura droit à une généreuse subvention – et s’il en profite pour acheter un 4 × 4 et disparaître dans les collines, bah, fermons les yeux. La subvention est révolutionnairement non remboursable. Le pétrole paiera.

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Construisons des non-habitations pour le peuple ! Faisons bien attention à utiliser de la poudre de perlimpinpin, de l’eau moyennement mouillée, du cuivre non conducteur pour le fil électrique. Ce seront des cités hideuses mais qu’importe, puisqu’elles s’effondreront tantôt. Le pétrole paiera.

Embauchons des policiers ! Des miliciens ! Des mouchards ! Des militaires ! Des diplomates en surnombre pour promouvoir notre cause ! Le pétrole paiera.

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Vendre du vent

Pardon ? Que dites-vous ? Le pétrole ne paie plus ? Eh bien, faisons marcher la planche à billets et, pour cacher le pipi au chat, nommons cela « financement non conventionnel ». Allez, imprimons, imprimons ! Des milliards de maravédis pour vendre du vent. Chauffe, chauffe ! Pardon, que dites-vous ? L’inflation est à 1 000 % ? Pas de problème ; le pétrole paiera. Comment, les puits sont à l’arrêt ? L’Union soviétique paiera ! Quoi, elle n’existe plus ? Vous m’embêtez, à la fin. Déclarons la guerre à quelqu’un !

Franchement, amis lecteurs, n’avons-nous pas, nous aussi, des hommes d’exception capables de porter un tel non-programme ? Qu’attendons-nous pour les mettre au pouvoir ? Comment, que dites-vous ? Ils y sont déjà, ici et là ? Parfait ! Attendons les résultats. Maduro n’a qu’à bien se tenir…

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