Arts plastiques : balade artistique à Marrakech à l’occasion de la foire 1-54

Alors que la Foire d’art contemporain africain 1-54 se déroule ce week-end à Marrakech, offrez-vous un week-end arty au cœur de la ville ocre… et de la création du continent.

Ceux qui entendent rester dans la couleur pop et la joie créative se régaleront des installations du marocain Hassan Hajjaj. © DR

Ceux qui entendent rester dans la couleur pop et la joie créative se régaleront des installations du marocain Hassan Hajjaj. © DR

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 23 février 2019 Lecture : 4 minutes.

De passage à Marrakech ? Pourquoi ne pas saisir cette chance pour se rafraîchir les idées sur la création marocaine et, plus généralement, la production artistique du continent ? Pour la seconde fois, la foire d’art contemporain africain 1-54 s’installe pour deux jours dans le havre chic de la Mamounia (23 et 24 février) et suscite, un peu partout dans la ville ocre, une floraison d’événements. Outre proposer un voyage esthétique riche en émotions, ces derniers racontent aussi différentes histoires, politiques, sociales, environnementales, voire même économique pour peu que l’on y regarde de près.

Musée imaginaire, ancienne agence de Bank al-Maghrib, place Jamaâ El Fna

Pour commencer, il convient de remonter un peu en arrière. Plus précisément aux premières années de l’Indépendance. Dans l’ancienne agence de la banque Al-Maghrib, dans le cœur touristique de la ville, l’homme d’affaires Hicham Daoudi (Art Holding Morocco) propose un dense résumé de l’histoire de la peinture au Maroc sous le titre « Musée imaginaire ». Y sont présentées les œuvres de précurseurs comme Jilal Gharbaoui (1930-1971), Ahmed Cherkaoui (1934-1967) et Mohamed Melehi (1936), dont les toiles abstraites traduisent, par leur refus de la figuration, un désir d’indépendance et de liberté.

la suite après cette publicité

L’ensemble du parcours raconte leur évolution et celle du « groupe de Casablanca » au cours des années, après 1956. Mais tout l’intérêt de ce « musée imaginaire » réside plutôt dans les quelques pièces rares, toutes issues de collections privées, qui y sont présentées. Ainsi, la section intitulée « Briser les tabous » montre la grande liberté dont bénéficiaient alors les peintres, qui pouvaient se permettre, quoique de façon abstraite, d’évoquer crûment le corps féminin. Composition, de Farid Belkahia et de Mohamed Hamidi (les titres sont identiques) exposent de manière à peine voilée, des vulves féminines.

Une autre section, « Poésie, magie et visions oniriques », permet de redécouvrir le travail de Boujemaa Lakhdar (1941-1989), aujourd’hui méconnu, même s’il fut présenté à Paris pour l’exposition fondatrice Magiciens de la terre. Ses meubles étranges, mi-animaux mi instruments de musique (Table-aigle de 1983, Gazelle-puits de 1984), surprennent par leur originalité et leur dimension légèrement surréaliste.

Poésies Africaines, le comptoir des Mines, Guéliz

Non loin, l’exposition Poésies africaines, à la Galerie Comptoir des Mines, offre une transition pertinente entre passé et présent. Déjà présent avec quelques toiles dans le Musée Imaginaire, le peintre Mohamed Kacimi (1942-2003) est ici exposé avec quelques œuvres remarquables tirées de sa période « africaine », où les ocres, le bleu et le noir qu’il chérissait trouvent un juste équilibre. Peintre qui n’aimait ni les cadres ni les contraintes, Kacimi ouvre la voie à une jeune génération d’artistes qui s’autorisent l’usage de nouvelles matières pour dire le présent, que ce soit des composants électroniques, des os de chameau ou du béton brut.

Avec sa Nature morte, qui présente sur une table un amas de corps d’animaux – chèvre, congre, pigeon, dinde… – moulés avec du ciment, Mustapha Akrim (1981) interroge ainsi la notion de « nature morte », très présente dans l’histoire de l’art occidentale, mais pose surtout la question de la place de l’homme dans un environnement qu’il ne cesse de détruire. Ce regain d’intérêt pour la nature est aussi évident dans le travail de Yamou (1959), exposé dans le hangar attenant au Comptoir des Mines par l’Atelier 21. Ses grandes peintures, entre figuration et abstraction, célèbrent un monde mi-végétal mi-animal palpitant de cette vie profonde qui anime le sang ou la sève, jusqu’au cœur des molécules.

la suite après cette publicité

Material insanity, Macaal, al Maaden

La question de l’environnement, et de la place de l’homme en son sein, est aussi au cœur deMaterial insanity, exposition panafricaine rassemblant une trentaine d’artistes au Museum of African Contemporary Art de la Fondation Alliances d’Alami et Othman Lazraq. De manière plus ou moins didactique, et plus ou moins réussie, les plasticiens analysent l’état du monde en se penchant sur la matière elle-même. Ainsi, la Sud-Africaine Alexandra Karakashian propose deux œuvres évolutives réalisées avec de l’huile de moteur noire. Cette matière, évidemment symbolique, imbibe progressivement la toile, se déplace dans ses fibres : du jour au lendemain, l’œuvre n’est plus la même… Le pétrole et les plastiques qui en sont issus – sacs, brosses à dents, faux ongles, bouteilles – reviennent souvent dans des créations qui subliment la matière… et portent une critique acerbe sur la société contemporaine.

1-54, La Mamounia

Une fois cette promenade accomplie, un détour par la foire d’art contemporain africain 1-54 s’impose. Les galeries installées à la Mamounia pour deux jours offrent un panorama éclectique de ce qui se crée sur le continent. Sont présentés des artistes déjà reconnus comme Djamel Tatah (1959, galerie Poggi), Amadou Sanogo (1977, galerie Magnin-A) ou Ibrahim El-Salahi (1930, Vigo Galerie) qu’il est toujours agréable de retrouver. D’autres suscitent la curiosité, comme le sobre Nabil El Makhloufi (1973) et ses dessins au crayon blanc sur fond noir, ou le joyeux Slimen Elkamel (1983) et ses grandes toiles pétillantes de couleurs.

la suite après cette publicité

> À lire – Foire 1-54 à Marrakech : créateurs de tous les pays, rendez-vous au Maroc !

Hassan Hajjaj, Riad Yima, Medina

Ceux qui entendent rester dans la couleur pop et la joie créative se régaleront des installations du Marocain Hassan Hajjaj, tant au Macaal qu’au Comptoir des mines. Et s’ils le souhaitent, ils pourront plonger dans l’antre même du créateur en passant un moment dans son riad (Riad Yima), au cœur de la médina. Bon week-end !

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires