Oubliés par l’Histoire

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Dans les pages consacrées aux tribunes libres du Monde daté des 20 et 21 mars, trois « éminents » professeurs publiaient un texte pour dire que « les nazis n’ont pas déporté les Noirs ». Un ouvrage intitulé Noirs dans les camps nazis, signé par le journaliste franco-ivoirien Serge Bilé, trouve alors un écho exceptionnel dans les médias et auprès du public francophone : plus de 50 000 exemplaires vendus depuis sa mise en place, début février. Parallèlement, un film du même auteur sur le même sujet est sorti en salle le 13 avril (voir J.A.I. n° 2310).
Les enseignants en question se livrent à un réquisitoire en règle contre Serge Bilé, lui reprochant d’aligner des faits sans rapport, de bâtir son essai sur « un tissu d’anecdotes, voire de rumeurs, glanées ici et là, sans souci scientifique : pas la moindre statistique ni référence d’archives ». Mais, surtout, ils prétendent que l’auteur est hors sujet : les Noirs, selon eux, ne furent pas déportés en raison de leur couleur, les lois de Nuremberg ne s’adressant qu’aux juifs. En somme, pourrait-on croire, ces « spécialistes » le soupçonnent de vouloir relativiser la spécificité de l’Holocauste.
Ces critiques sont-elles fondées ? Serge Bilé se défend d’avoir fait oeuvre d’historien. Il insiste d’ailleurs sur le manque de matériau : personne, ou presque, ne s’est intéressé au sujet jusqu’ici. Tout juste sait-on que le nombre des déportés noirs fut de l’ordre de 30 000. L’auteur a tout fait, également, pour éviter l’amalgame, se désolidarisant du comédien franco-camerounais Dieudonné et de ses propos pour le moins ambigus sur la Shoah. « Ce n’est pas en s’en prenant aux autres qu’on avance », affirme-t-il.
Toujours est-il que son ouvrage, qui s’appuie essentiellement sur des témoignages de rescapés et sur les quelques recherches menées par les historiens allemands, dévoile un pan largement méconnu de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale : le sort fait aux Noirs par les nazis. Réduits au rang de bêtes, ces hommes et femmes, qu’ils fussent africains ou antillais, voire nord-américains, furent victimes des pires sévices, quand ils ne furent pas systématiquement mis à mort. Quoi qu’on dise, les décrets d’application des lois raciales de Nuremberg visaient explicitement les « Nègres ». Vingt-cinq mille Afro-Allemands furent ainsi stérilisés. L’ouvrage rappelle par ailleurs que l’Allemagne avait expérimenté le système des camps concentration dès 1904 en Namibie pour éliminer le peuple herero qui s’opposait à son entreprise coloniale.
On comprend mal le procès fait à Serge Bilé. Alors qu’on célébrait le soixantième anniversaire de la libération des camps de la mort, c’était la moindre des choses que de faire savoir au grand public que les Noirs ont eu leur lot de souffrances. Cela n’enlève rien à l’ampleur du drame vécu par telle ou telle autre communauté.

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