Nostalgie de la Tunisie ancienne

André Nahum s’emploie à rendre la vie aux jours heureux et aux figures aimées dans le Tunis d’hier. Jusqu’au voyage sans retour pour la France.

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Le bateau du départ, les malles sur les quais, les lourds chagrins de l’exil annoncé. Destination la France, pour toujours. Derrière soi, Tunis baigné de lumière, une jeunesse sans souci et une brillante carrière de médecin. Ainsi commence Feuilles d’exil d’André Nahum, à l’instar d’autres récits dont les auteurs, juifs tunisiens, ont quitté la Tunisie indépendante pour se retrouver quelque part dans l’Hexagone où ils peinent à retrouver les saveurs de leur pays d’origine.
L’auteur s’emploie à rendre la vie aux jours anciens et aux figures aimées. C’était hier, rue de Londres, ou dans la hara et ses ruelles étroites, au café Lafayette où les jeunes s’attardaient le soir, dans la synagogue de la rue de l’Alfa pour le shabbat, à travers le Tunis chantant et dansant des années 1930, de Halfaouine à Bab Souika. Nahum a cette faculté de retracer le passé comme si vous y étiez, avec ses vents de sirocco, les jours d’ouissou où la mer jure d’avaler un baigneur, pendant que, sur la plage de La Goulette, les marchands ambulants continuent à vendre leurs friandises comme si de rien n’était. Puis c’est l’ombre des patios aux carrelages lavés à grands seaux d’eau, l’odeur familière des fritures des « complets de poissons », le rire des femmes qui chassent les punaises en les aspergeant de pétrole. Tout est là. Et rien n’est plus. Dans une évocation du passé qui ne va pas sans amertume, ce que l’on comprend, mais qui omet certaines vérités de l’histoire. L’on se demande, en effet, quelle menace concrète pesait tant sur les juifs tunisiens pour qu’ils décident de partir ? Qui les protégeait avant l’arrivée des Français, sinon ces Arabes et musulmans qui, depuis des siècles, avaient accordé à la communauté juive le statut de dhimmi, soit le premier pacte de protection des minorités de l’histoire (dhimmi signifie « protégé sous l’honneur de Dieu », le pouvoir musulman étant comptable devant Lui de ces minorités).
Dommage donc que l’auteur cède à la manie de réduire le destin des juifs du Maghreb à l’issue fatale du « départ obligatoire », oubliant une coexistence millénaire qui n’a pas eu à avoir honte d’un quelconque holocauste !
Nahum le sait-il ? Il y a toujours des juifs tunisiens en Tunisie et rien ne s’oppose à leur retour s’ils en sont partis. La Madone de Trapani n’a pas regagné son Italie d’origine parce que les Tunisiens y croient encore et Djerba vient de voir sortir de terre une nouvelle synagogue. Preuve que l’histoire judéo-arabe n’appartient pas seulement au passé et qu’elle a probablement de beaux jours devant elle !

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