Moscou endort Berlin

L’Allemagne dépend déjà à plus de 30 % de Gazprom. Ce qui pourrait expliquer l’indulgencede Gerhard Schröder à l’égard du Kremlin.

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Le 11 avril dernier, à Hanovre, un accord commercial historique a été signé entre le géant gazier russe Gazprom et le groupe pétrochimique allemand BASF. Les deux pays, représentés par le président russe Vladimir Poutine et le chancelier allemand Gerhard Schröder, se sont engagés à coopérer encore plus étroitement que par le passé dans les domaines de la production, de l’acheminement et de la commercialisation du gaz russe. Cet accord renforcera la dépendance énergétique de Berlin à l’égard de la Russie, qui assure déjà 32 % des besoins gaziers allemands.
Si le chancelier a salué l’événement, de nombreux experts, diplomates et hommes politiques européens ont invité à la vigilance. Cette situation commerciale avec Moscou serait, en effet, de nature à peser sur la politique étrangère des pays acheteurs et expliquerait même leur nouvelle indulgence à l’égard du Kremlin. « Le chancelier Schröder n’évoque jamais les violations des droits de l’homme en Tchétchénie ou ses ingérences dans la politique de l’Ukraine, cela est très probablement lié au gaz… », a déclaré Friedbert Pfluger, député de l’opposition. La position du leader social-démocrate est également critiquée par certains représentants de sa propre coalition, surtout depuis la récente décision germano-russe de construire un gazoduc – le North European Gas Pipeline – en mer Baltique.
Pourtant, cette dépendance en matière énergétique caractérise l’ensemble de l’Union européenne (UE). Selon la Commission de Bruxelles, 44 % des importations de gaz des vingt-cinq États membres sont aujourd’hui assurées par la Russie, premier producteur et exportateur de gaz au monde. En 2030, cette part devrait, selon les experts, atteindre 81 %.
Avec des réserves énergétiques déclinantes et une consommation qui ne cesse d’augmenter, « l’Europe va devenir de plus en plus dépendante de Gazprom », souligne Noé van Hulst, directeur du Bureau de la coopération à long terme de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). À moyen terme, cette situation pourrait s’aggraver, surtout dans les pays, comme l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni, qui ont décidé de s’engager dans un processus de sortie du nucléaire.
Le manque de solutions d’approvisionnement de substitution conforte cette situation. Malgré des projets de partenariats futurs et le développement de nouveaux réseaux de transport au Qatar, au Nigeria, en Algérie, à Trinidad et Tobago, le marché gazier européen reste essentiellement russe. Contrairement au Moyen-Orient, qui est aussi une région exportatrice stratégique, Gazprom – qui a honoré ses contrats européens pendant les trente dernières années – est considéré, ainsi que l’a souligné récemment Schröder, comme « un partenaire extraordinaire et stable ».
L’expansionnisme du géant russe de l’énergie soulève cependant deux inquiétudes en Europe : Gazprom, un monopole d’État, pourrait commencer à subir d’éventuelles pressions politiques et déterminer ses relations commerciales avec les acheteurs en fonction de celles-ci. En outre, les Européens ne sont pas les seuls à s’intéresser aux ressources énergétiques russes. La Turquie et surtout la Chine, à l’exponentielle croissance, convoitent de plus en plus le gaz sibérien. Une convoitise qui pourrait donner naissance à une concurrence féroce pour le contrôle du marché des hydrocarbures d’Asie centrale.

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