[Tribune] RDC : la communauté internationale doit sortir d’un silence complice

Dénonçant un « détournement de processus électoraux d’une gravité inédite » lors de la présidentielle en RDC, le chercheur Gérard Gerold demande à la communauté internationale de briser ce qu’il qualifie de « silence complice ».

Des responsables de la Commission électorale congolaise scellent les résultats des élections du 30 décembre, à Kinshasa. © Jerome Delay/AP/SIPA

Des responsables de la Commission électorale congolaise scellent les résultats des élections du 30 décembre, à Kinshasa. © Jerome Delay/AP/SIPA

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  • Gérard Gerold

    Ancien conseiller politique à la MONUC, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique.

Publié le 26 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Le 20 janvier 2019, la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo (RDC) confirmait les résultats de l’élection présidentielle promulgués par la Commission électorale nationale indépendante dans la nuit du 9 au 10 janvier et désignait Félix Tshisekedi comme président élu du pays.

Ces deux institutions garantes devant les citoyens et les électeurs congolais du respect de la Constitution et de l’État de droit ont délibérément trahi la vérité arithmétique des urnes et failli à leurs responsabilités. Elles  ont occasionné la plus importante fraude de l’histoire électorale du continent africain.

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Tous les standards internationaux ont été bafoués

En effet, cette manipulation des résultats de l’élection présidentielle s’est accompagnée d’un vaste tripatouillage des scrutins provinciaux et législatifs destiné à donner une large majorité de députés au rassemblement politique dirigé par le président sortant, Joseph Kabila.

Tous les principes, procédures et standards dont l’application en matière électorale est exigée par la législation nationale et préconisée par les Nations unies, l’Union africaine et les organisations sous régionales ont été bafoués.

>>> À LIRE – RDC – Adolphe Muzito : Félix Tshisekedi à la présidence, « c’est pire que Joseph Kabila »

Ce qui vient de se passer en RDC n’est pas qu’un avatar électoral de plus dans une liste déjà longue de manipulations et de fraudes en Afrique centrale et australe. Il s’agit, compte tenu de la taille de ce pays, de sa richesse, des innombrables souffrances subies par son peuple et de l’assistance internationale qui l’entoure depuis près de vingt ans, d’une agression délibérée contre son avenir démocratique.

Bien plus, il s’agit d’un signal funeste envoyé à tous les Africains qui pensent avoir le droit de vivre dans le régime de leur choix et de jouir des libertés et des droits que leur promettent les préambules solennels des Constitutions, des Chartes et des Déclarations proclamées depuis les Indépendances.

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«  Les diverses composantes de la communauté internationale sont demeurées inertes »

Face à un détournement de processus électoraux d’une gravité inédite les diverses composantes de la communauté internationale sont demeurées inertes. Camouflées derrière l’excuse de la non ingérence ou du principe de subsidiarité, de la préservation du statu quo ou des intérêts économiques, elles ont honteusement déserté le front de la défense des principes démocratiques.

Certaines ont même félicité Félix Tshisekedi en arguant de l’avènement d’une alternance politique prometteuse pour l’avenir du pays ou d’un heureux « compromis à l’africaine », comme si mensonge et mépris du peuple pouvaient constituer les principes fondateurs d’un renouveau démocratique et d’une amélioration de la  gouvernance.

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Les responsables européens se sont tout particulièrement distingués par leur peu d’ardeur à défendre le choix démocratique des Congolais et par leur empressement à reprendre les affaires au plus vite avec un pouvoir qui multipliait pourtant, depuis 2016, les mesures hostiles ou humiliantes à leur encontre.

Quant au leadership des Nations unies, tétanisé par la demande de retrait de la Monusco faite par Joseph Kabila à la tribune de l’Assemblée générale le 25 septembre 2018, il semble avoir oublié, à New York comme à Kinshasa, les principes fondateurs de son Organisation, les termes du mandat qui devraient inspirer ses actions, ainsi que les milliards de dollars dépensés depuis 20 ans en faveur de la stabilisation et de la démocratisation de la RDC.

Refusons ce silence complice ! Il est encore temps d’agir pour :

  • Soutenir les  dix millions d’électeurs qui ont voté pour Martin Fayulu ainsi que tous les citoyens, militants, candidats, hommes et femmes politiques, responsables de la société civile qui se sont sincèrement engagés dans le processus électoral, souvent au péril de leur liberté et de leur vie.
  • Demander aux autorités congolaises qu’elles garantissent désormais  un respect scrupuleux des libertés fondamentales, notamment celles d’opinion, de manifestation et de presse et qu’elles exigent de la CENI la publication complète et immédiate des vrais résultats des provinciales et des législatives qui sont aujourd’hui contestés par des milliers de candidats.
  • Demander aux autorités européennes de maintenir les sanctions prises en 2017 contre les dirigeants congolais responsables des entraves au processus électoral et des graves violations des droits de l’homme qui y étaient liées et de les étendre à M. Corneille Nangaa, président de la CENI ainsi qu’à M. Benoit Lwamba Bindu, président de la Cour constitutionnelle, complices et coupables de l’imposture électorale du 30 décembre 2018.

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