Médecins de brousse

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Dans de nombreuses régions rurales d’Afrique, la population n’a pas accès aux soins les plus élémentaires, parce que les médecins exercent dans des villes situées à des dizaines, voire à des centaines de kilomètres de là. L’ONG Santé Sud s’est attachée à résoudre ce problème. Avec un indéniable succès. Quel est le secret de cette réussite ?
D’abord rapprocher les médecins des malades. Depuis douze ans, Santé Sud conduit au Mali un programme destiné à rompre avec la pénurie de médecins de campagne. Il a permis d’installer quatre-vingts praticiens en zone rurale et d’assurer la couverture sanitaire de plus d’un million de personnes. Son succès indéniable tient tout bonnement au fait que le projet a été initié par « en bas », au niveau des villages, au lieu de tomber « d’en haut », de la capitale.
Comment cela se passe-t-il, en pratique ? La localité qui veut accueillir un médecin se dote d’une association de santé communautaire qui gère un centre de santé. Le médecin intéressé passe avec l’association un contrat qui précise ses obligations : consultations au centre, tournées dans la zone concernée, surveillance des grossesses et des enfants, accouchements, actes de petite chirurgie ou de laboratoire, etc. Il reçoit un salaire fixe minimum, complété par un pourcentage sur la tarification de certains actes (visites à domicile, urgences de nuit, petite chirurgie). En accord avec l’association, certains médecins peuvent s’installer en privé dans le village.
Basée à Marseille, l’organisation dispose d’un budget annuel d’environ 2 millions d’euros provenant pour 80 % d’institutions (Communauté européenne, ministère français des Affaires étrangères, conseil général des Bouches-du-Rhône) et pour 20 % d’adhésions ou de dons. Ce budget permet de réaliser, avec des structures locales, des études de faisabilité sanitaire et socio-économique. Le médecin recruté, toujours volontaire et souvent jeune diplômé, bénéficie d’une formation complémentaire de deux mois, qui comporte quatre modules : clinique (la pathologie de la région concernée), santé publique, gestion et communication. Un stage chez un médecin de campagne déjà établi vient parfaire cette formation théorique.
Pour faciliter son installation dans le village, Santé Sud fournit au praticien l’équipement de base : panneau solaire, réfrigérateur, médicaments essentiels, trousse médicale, matériel de laboratoire, moto et bibliothèque médicale, le tout pour un coût d’environ 7 millions de F CFA (10 000 euros). Les recettes (participation des malades, cotisations) permettent de renouveler le stock de médicaments et d’assurer le financement du centre de santé.
Ces docteurs, dont le nombre progresse régulièrement, ont décidé d’échanger leurs expériences pour étendre et renforcer leur action. Ainsi s’est créée l’Association des médecins de campagne (AMC) du Mali, toujours selon le principe de la progression de la base vers le haut. Elle participe au recrutement et à la formation des médecins. Pour réaliser ce dernier objectif et assurer les mises à niveau nécessaires, elle organise des séminaires pour la tenue desquels, si besoin, Santé Sud envoie des « partenaires relais » en mission de trois semaines en moyenne. En outre, l’AMC peut entreprendre des « actions recherche » dans le cadre rural, concernant des affections chroniques comme l’hypertension, l’épilepsie et bientôt le sida.
Deux éléments paraissent décisifs dans la réussite de Médecins de campagne. D’une part, et c’est essentiel, l’organisation du réseau est fondée sur des initiatives locales. D’autre part, le principe de Santé Sud, « Agir sans remplacer », exclut l’envoi dans les villages de médecins « humanitaires » étrangers, mais aide à l’installation de médecins locaux. Pour autant, peut-on prétendre que c’est LA solution pour médicaliser les zones rurales ? Probablement pas. Mais ce dispositif représente l’une des solutions qu’il est possible de mettre en oeuvre, selon les conditions propres à chaque région. D’autres pays que le Mali ont déjà manifesté leur intérêt pour cette démarche.

*Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan.

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