Au Cameroun anglophone, séparatisme rime avec kidnapping

« J’ai été enlevé par des séparatistes », raconte encore choqué à l’AFP Macmillan Ambe Awa, un journaliste camerounais kidnappé par des séparatistes anglophones jeudi et libéré vingt-quatre heures plus tard.

Un marché de Bamenda, capitale de la province anglophone du Nord-Ouest du Cameroun, le 15 novembre 2017. © AFP

Un marché de Bamenda, capitale de la province anglophone du Nord-Ouest du Cameroun, le 15 novembre 2017. © AFP

Publié le 24 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Un témoignage presque banal dans les deux régions camerounaises anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où, pour des rançons ou comme un symbole, les enlèvements sont devenus récurrents et inquiètent les habitants.

Macmillan Ambe Awa explique avoir subi un « traumatisme psychologique » mais n’a « pas été violenté ».

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« Ils me reprochaient de faire un travail en faveur de la reprise des cours dans mes émissions », continue-t-il, au téléphone. Depuis le début du conflit armé, fin 2017, les séparatistes anglophones s’en prennent au système scolaire, qu’ils estiment marginalisant.

Attaquer les écoles est une action parmi d’autres de ces milices éparses qui, basées dans la forêt équatoriale camerounaises, mènent des raids chaque jour contre les symboles de l’État central.

Les armes crépitent chaque jour

Dans le Nord-Ouest et dans le Sud-Ouest, les armes crépitent chaque jour depuis fin 2017. Et les habitants de ces deux régions touchées par le conflit, parmi lesquelles près de 500 000 ont dû fuir leur domicile, sont les premières victimes de ce conflit oublié d’Afrique centrale.

« On a peur de sortir, on a peur de prendre le bus. J’ai longtemps pensé que ça allait se calmer, alors on est resté, mais je commence à appeler la famille à Douala pour leur dire qu’on va venir. Il n’y a plus rien à faire ici », raconte un habitant de Buea, la capitale de la région du Sud-Ouest maintes fois prises pour cible par les séparatistes.

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Mi-février, ce sont près de 170 élèves qui ont été enlevées à Kumbo, dans la région du Nord-Ouest. Ils ont été libérés après une journée de captivité. Des négociations ont eu lieu avec les ravisseurs, qui ont réclamé la fermeture du lycée.

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Il n’a pas rouvert ses portes depuis.

En novembre, 90 élèves avaient été enlevés et retenus cinq jours, puis relâchés. Leur école avait aussi été fermée.

« C’est une honte que les séparatistes aient adopté cette stratégie », indique un autre habitant de Buea.

À la suite de l’attaque, des témoins ont affirmé que l’armée avait ratissé des dizaines de maisons de Kumbo et alentour à la recherche des séparatistes, et brûlé nombre d’entre elles en représailles aux enlèvements.

Ces affirmations, démenties par le ministère de la Communication dès leur parution dans la presse, font écho à de précédentes accusations d’exactions des forces de sécurité dans les zones anglophones.

Le premier habitant de Buea est déprimé : « On est pris en tenaille ».

« Banditisme armé opportuniste »

Ces rapts et la violence permanente font régner la peur. Samedi, comme chaque année, Buea accueillait l’ascension du Mont Cameroun, une course à pied sur le plus haut sommet du pays.

Mais le ministre des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, présent comme chaque année au lancement de la course, est arrivé un casque sur la tête et un gilet pare-balles sur les épaules.

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Dans le stade de Buea et à ses abords, des dizaines d’hommes en armes avaient aussi été déployés pour cette « course de l’espoir ».

« Ce nom ne correspond plus avec la situation », soupire l’habitant, qui pense que les autorités craignaient une nouvelle attaque.

Ces attaques et enlèvements se multipliant, le Cameroun anglophone va-t-il devenir un no-man’s-land ?

« Pour devenir un no man’s land, l’État doit cesser d’être présent. Or l’État est clairement dans l’optique de recouvrer son autorité dans la zone », pense Edouard Yogo, chercheur au Centre de recherche d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’Université Yaoundé-II.

Dans le Nord-Ouest et dans le Sud-Ouest, en plus des affrontements quotidiens entre séparatistes et forces armés, un banditisme s’est peu à peu développé en profitant de la situation sécuritaire volatile. Et les bandits kidnappent aussi.

« Environ un tiers des enlèvements sont le fait d’un banditisme armé opportuniste », estime Hans de Marie Heungoup, chercheur à l’International Crisis Group (ICG) sur le Cameroun.

Il est difficile de dissocier les enlèvements crapuleux du séparatisme, du fait de l’éclatement du leadership de la nébuleuse séparatiste. Yaoundé ne fait pas la différence: tous sont des « terroristes » qui doivent être mis hors d’état de nuire.

Fin janvier, le président Paul Biya, 86 ans dont 36 au pouvoir, a encore appelé les « entrepreneurs de guerre » des régions anglophones à déposer les armes.

Et menacé si tel n’était pas le cas de les « neutraliser ».

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