Les Turcs et le « Code Benedikt »
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Pour les Turcs, qui appréciaient Jean-Paul II, les choses sont claires : le nouveau pape est « contre » eux. Le lendemain de son élection, toute la presse insistait sur l’hostilité de Benoît XVI à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE). « L’Europe est un continent culturel et non géographique. En ce sens, la Turquie a toujours représenté un autre continent, en contraste permanent avec l’Europe », affirmait par exemple le cardinal Josef Ratzinger dans un entretien au quotidien français Le Figaro, en août 2004. Évoquant « les guerres avec l’Empire byzantin, la chute de Constantinople, les guerres balkaniques et la menace pour Vienne et l’Autriche », le futur chef de l’Église catholique estimait qu’« identifier les deux continents serait une erreur » et aboutirait à une « perte de richesse » culturelle au profit de l’économie.
Ces propos avaient d’autant plus irrité Ankara que le pays attendait de se voir fixer une date pour le début des négociations d’adhésion à l’UE – ce qui fut fait le 17 décembre. Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, avait alors sèchement rétorqué : « Le Vatican n’est pas membre de l’Union européenne. Nous, nous parlons aux membres de l’UE. »
Aujourd’hui, Erdogan, qui s’est rendu aux obsèques de Jean-Paul II le 8 avril, s’efforce de minimiser l’incident : ces déclarations ont été tenues par le cardinal Ratzinger avant son élection, a-t-il souligné, se refusant à préjuger de ce que sera désormais l’attitude du pape.
Des propos apaisants qui n’empêchent pas la presse de s’acharner à décrypter « le code Benedikt » [Benoît, en turc], et notamment de rappeler l’appartenance du pape aux Jeunesses hitlériennes et son hostilité à la laïcité – l’un des pivots de l’État turc. Que Josef Ratzinger ait choisi pour prénom papal celui du saint patron de l’Europe n’est pas non plus de nature à rassurer ceux qui craignent d’être exclus d’un « club chrétien » et pensent, comme aime à le répéter Erdogan, que l’UE devrait être « un lieu de rencontre entre les mondes chrétien et musulman ».
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