Comment mettre la presse à niveau

L’État a lancé un processus de modernisation du secteur. Objectif : améliorer la situation des journalistes et installer une structure d’autorégulation.

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Certains le qualifient de « processus de mise à niveau » de la presse écrite. D’autres, plus sceptiques, parlent d’une opération politico-financière visant à neutraliser subtilement les entreprises du secteur. Mais le mouvement est enclenché : de rencontres en tables rondes, de dîners-débats en séminaires, le ministre de la Communication Nabil Benabdallah, le Syndicat des journalistes marocains et la Fédération des éditeurs sont en phase finale de « concertation ». Objectif : mettre en place un projet global et, surtout, consensuel pour restructurer la presse.
Le 11 mars 2005, un « don » royal de 50 millions de dirhams (4,5 millions d’euros) est « accordé au corps journalistique pour la modernisation des entreprises de presse », selon les termes du ministère de la Communication. Ce jour-là, et au moment où Mohammed VI participe en Espagne à la commémoration des attentats de Madrid, des assises se tiennent à Skhirat (à 20 km de Rabat). Elles réunissent journalistes, patrons de presse, responsables du gouvernement et membres de la société civile autour d’un slogan : « Quand la presse progresse, la démocratie avance. » Toutes les questions liées à l’exercice du journalisme écrit au Maroc sont abordées : le problème des moyens matériels, la liberté et l’éthique, la réforme du cadre juridique, etc.
Mais, au-delà des mots, les autorités marocaines veulent s’engager avec les professionnels dans un processus à deux dimensions. Il s’agit, d’un côté, de déterminer les mécanismes financiers et juridiques susceptibles d’améliorer la situation sociale des journalistes. Le « don » royal va dans ce sens. Un contrat-programme a ainsi été signé, le 13 mars, entre le ministère de la Communication et la Fédération des éditeurs. Il prévoit la création d’une commission paritaire, qui définira les conditions de l’aide de l’État. Pour en bénéficier, une entreprise de presse devra avoir son siège social au Maroc, employer au moins quatre journalistes pour un hebdomadaire et sept pour un quotidien, respecter un salaire fixe minimum, ne pas consacrer plus de 50 % de ses pages à la publicité, etc.
De l’autre côté, les autorités veulent mettre en place une structure d’arbitrage, composée de journalistes, d’éditeurs et de membres de la société civile, « pour que les professionnels soient eux-mêmes responsabilisés », affirme-t-on au ministère de la Communication. Elle porterait le nom de « conseil de presse » et serait appelée à jouer le rôle d’une haute autorité morale.
Mais ce projet suscite des controverses parmi les journalistes. Certains pensent que cette structure va se substituer à la justice et empêcher la réforme, très attendue, du code de la presse. « L’idée d’un conseil composé de professionnels et de membres de la société civile connus pour leur intégrité est valable, estime Younès Moujahid, secrétaire général du SNPM [Syndicat national de la presse marocaine]. Mais ce conseil ne devrait avoir que des attributions morales, en émettant des avis, sans plus. » Du côté du gouvernement, on assure qu’un tel conseil, dont la majorité des démocraties se sont dotées, n’empêchera pas la justice de jouer pleinement son rôle.
Quant à la réforme de l’actuel code de la presse, contesté depuis 2002 par les journalistes parce qu’il prévoit de lourdes peines d’emprisonnement pour les délits d’opinion, aucune date n’est encore avancée. Mais les autorités marocaines souhaitent que toute idée de réforme soit inscrite dans une logique de consensus (voir l’interview du ministre de la Communication).
Sur le terrain, le débat concernant l’étendue et les limites de la liberté d’expression au Maroc est toujours d’actualité. Le 12 avril 2005, une décision du tribunal de première instance de Rabat a interdit au journaliste Ali Lmrabet l’exercice de son métier pendant dix ans et l’a condamné à verser une amende de 50 000 dirhams (environ 4 500 euros) pour « diffamation » à l’encontre d’une association « de parents de Sahraouis victimes de la répression dans les camps de Tindouf ». Selon certains observateurs, le « processus de mise à niveau de la presse écrite n’avait pas besoin d’un tel verdict ».

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