Ces animaux que nous ne verrons plus

Lion de l’Atlas, zèbre couagga, hippotrague bleu, tatou géant… La liste des espèces disparues ou en voie d’extinction s’allonge chaque jour. Pour l’auteur de ce magnifique ouvrage, il est temps de réagir.

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 4 minutes.

Connaissez-vous la rhytine de Steller ? L’hippotrague bleu ? Le douc roux ? Le ouakari rubicond ? Le tatou géant ? L’onychogale bridé ? L’aye-aye ? Le propithèque de Verreaux ? Le sphénodon ponctué ? Non ? Eh bien, vous avez peu de chances de les rencontrer un jour : toutes ces espèces sont, sinon disparues, du moins menacées d’extinction.
Ému par ces « drames épouvantables », George Daublon, président honoraire du Congrès des notaires de France, s’est donné pour objectif de mettre l’humanité face à ses responsabilités. Collier de barbe blanche, voix éraillée, yeux clairs, il confie que, s’il a écrit À la rencontre des animaux disparus, c’est « pour que les lecteurs aient finalement honte du comportement des hommes ». Dans son dos, des étagères débordant de livres accueillent un dauphin en verre, une baleine en résine, un requin façonné dans une branche de corail… À la droite de son bureau, une collection de dents de cachalot gravées, mais « attention ! ce sont des pièces qui ont été sculptées avant l’interdiction du commerce de l’ivoire en 1989 ». L’homme est prompt à s’enflammer quand on évoque l’une des 430 espèces d’animaux détruites par l’homme. Son « palmarès de la honte », qui figure en début d’ouvrage, dénombre 258 oiseaux, 106 mammifères, 20 poissons, 2 amphibiens, 34 reptiles.
Certaines histoires sont de vrais mélodrames. « Prenez l’anéantissement du pigeon voyageur. C’est absolument fantastique de penser que les êtres humains ont été pris d’une rage de détruire telle qu’ils ont anéanti en soixante-quinze ans une espèce dont l’importance numérique était extravagante, puisque les vols se chiffraient par milliards ! » Une histoire qui rappelle celle du dodo de l’île Maurice, nommé aussi « dronte », « solitaire » ou « oiseau des nausées », qui fut massacré sans pitié jusqu’à ce que le dernier représentant s’éteigne, au milieu du xviiie siècle, sur le bateau qui le ramenait en France. « Dead as dodo », disent désormais les Anglais quand ils veulent signifier qu’il n’y a plus aucun espoir.
L’expression pourrait s’appliquer au moa géant de Nouvelle-Zélande, exterminé par les Maoris avant la fin du xve siècle, comme à l’aepyornis de Madagascar, qui mesurait 3,5 m de haut et pesait une demi-tonne. Sortes d’autruches sans aile, ces animaux ont payé le prix de leur vulnérabilité. Comme d’autres celui de la beauté de leur fourrure (la loutre marine, le phoque-ourson, l’ocelot), de l’excellence de leur chair (la perruche de Caroline, l’hippopotame nain de Madagascar, la tortue meiolania) ou du prétendu caractère aphrodisiaque de leur corne (les rhinocéros).
« Il y a des espèces qui disparaissent d’elles-mêmes, parce que le moment est venu qu’elles s’éteignent, explique Georges Daublon. Je pense en particulier à l’ours polaire, qui voit son aire de distribution se réduire tous les jours et risque d’avoir de plus en plus de difficultés à se nourrir. Certains mettent le réchauffement atmosphérique sur le compte de l’activité humaine, mais tous les scientifiques ne sont pas d’accord : il existe pour certains des cycles climatiques qui en sont indépendants. » Reste que la destruction des forêts, l’industrialisation et la pollution sont directement responsables des menaces qui pèsent, par exemple, sur le chimpanzé pygmée (ou bonobo) ou le petit singe-lion. L’Union mondiale pour la nature (IUCN) dévoile sur sa « liste rouge » que 15 589 espèces sont menacées d’extinction, soit un amphibien sur trois, la moitié des tortues d’eau douce, un oiseau sur huit et un mammifère sur quatre. Pour le World Wide Fund for Nature (WWF), qui a pour emblèmes le dodo (disparu) et le panda (en voie de disparition), dix espèces animales et végétales trop exploitées ou victimes de l’activité humaine doivent absolument être protégées : le napoléon, le tigre, le grand requin blanc, l’éléphant d’Asie, le dauphin de l’Irrawaddy, le ramin – un arbre d’Indonésie et de Malaisie -, le gecko à queue-en-feuille de Madagascar, le cacatoès soufré, les ifs asiatiques et la tortue à nez de cochon.
Quand on aborde le thème des tortues, auxquelles il a consacré tout un chapitre, Georges Daublon s’emporte : « C’est effrayant la manière dont on s’y prend, et dont on s’y est pris, avec les tortues ! Ce sont des animaux vénérables, qui existaient avant les dinosaures et leur ont miraculeusement survécu. » Chasse intensive, introduction d’espèces allogènes comme les chiens et les rats qui mangent les oeufs et les jeunes sont (presque) venus à bout des populations de tortues des Galápagos, des Mascareignes, de Maurice, des Seychelles… Inscrit depuis 1982 sur la liste du Patrimoine de l’humanité par l’Unesco, l’atoll d’Aldabra (Seychelles) demeure l’un des derniers havres de paix. Cent cinquante mille tortues géantes s’y rassemblent.
Que faire pour préserver la biodiversité ? Cesser de chasser les espèces rares, lutter avec plus de fermeté contre le braconnage, soutenir les actions du WWF, de la Convention baleinière ou de l’IUCN, tâcher de faire appliquer les dizaines de traités qui existent, mais ne sont guère efficaces, « par manque de moyen et de volonté politique »…
En Afrique, difficile de croiser un lion de l’Atlas, un grand koudou, un gnou à queue blanche, un zèbre couagga… Introuvable, le lézard géant des îles du Cap-Vert. Rare, le fourmilier marsupial rayé d’Australie. Disparu, le cerf de Corse. Confinée à quelques zoos, la panthère nébuleuse d’Asie. Mais pourquoi donc tant de moustiques ? Et à quoi servent les mouches ? « Tous les biologistes vous diront que la nature est un tout dont chacune des parties a son utilité, explique Georges Daublon. Mon ami l’écrivain Armand Lanoux avait noté cette citation dans son escalier : « La première chose à faire en arrivant au ciel : demander à quoi servent les mouches. » La réponse est simple : ce ne sont pas les mouches qui servent, mais leurs larves qui détruisent un certain nombre de charognes et nettoient le monde. » Et les moustiques ?

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