Betty Bigombe

Dans le conflit qui ravage le nord de l’Ouganda, cette médiatrice incarne l’un des rares espoirs de paix.

Publié le 25 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Diplômée d’Harvard, actuellement consultante à la Banque mondiale, Betty Bigombe se partage entre les États-Unis, où elle vit désormais, et l’Ouganda. Elle a exercé plusieurs fonctions ministérielles de 1986 à 1996 au sein du gouvernement de son pays avant de jouer, aujourd’hui, un rôle de premier plan dans les négociations engagées avec les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Originaire de l’ethnie acholie qu’ils prétendent représenter, cette femme de tête connaît toutes les facettes d’un conflit dont le dirigeant, Joseph Kony, n’a ni revendications ni programme. En dix-neuf ans, cet illuminé a causé la mort d’environ 10 000 personnes ; il en a déplacé 1,6 million d’autres et il a fait enlever 20 000 enfants pour qu’ils deviennent soldats dans les districts de Gulu, Pader et Kitgum.
Le président Yoweri Museveni, qui s’apprête à briguer un troisième mandat, voudrait contraindre la guérilla à déposer les armes. Il joue sa dernière carte avec Betty Bigombe. Aussi semble-t-il accepter sa stratégie des petits pas, sa prudence et, surtout, sa vision de la résolution du conflit : une paix négociée qui abolisse la spirale de la violence. La médiatrice a, en effet, toujours préféré les trêves aux ultimatums, le dialogue à la confrontation. Après avoir constitué une large délégation de prélats, de parlementaires et d’ambassadeurs européens pour l’accompagner dans ses voyages dans le Nord, elle a déjà réussi à établir des relations de confiance avec de nombreux représentants de la LRA.
Doublée des effets de l’amnistie gouvernementale accordée au mouvement en 2000, cette démarche pacifique a entraîné de multiples désertions : de nombreux chefs rebelles sortent du maquis, collaborent. Dernier en date, le brigadier Sam Kolo, ancien bras droit de Kony. Une stratégie gagnante qu’aurait pu compromettre la décision de la Cour pénale internationale (CPI) d’émettre des mandats d’arrêt contre certains miliciens, avec le risque de les dissuader de se rendre. Bigombe n’a pas hésité à condamner ouvertement cette initiative, en précisant : « La CPI veut tout simplement montrer ses muscles au prix de la paix. »
Mais le double langage de Yoweri Museveni risque, lui aussi, d’hypothéquer les pourparlers : « Les opérations militaires ne cesseront pas si le groupe de Kony ne s’engage pas à sortir de la brousse », a-t-il récemment déclaré. D’autant que l’armée ougandaise ne voit pas d’un bon oeil les efforts de Bigombe et n’a pas renoncé à ses attaques. Sous prétexte que les cessez-le-feu proposés permettraient aux rebelles « de se refaire physiquement et matériellement », elle maintient la pression avec le risque, comme cela est arrivé en 1994, de faire voler en éclats, par la reprise des hostilités, les négociations.
Comme le souligne un missionnaire européen à Kitgum : « Il semblerait que l’armée ait tout intérêt à prolonger indéfiniment le conflit. Les offensives gouvernementales en cours ne font que déplacer les rebelles d’un point à l’autre de la forêt sans mettre fin à leurs expéditions punitives contre la population ni vaincre définitivement le mouvement. » Et il ajoute : « Les Ougandais du Nord croient tous en Betty Bigombe, mais sa stratégie, qui va à l’encontre de la vision des militaires, a aujourd’hui moins de chances de prévaloir. »
La persévérance de la médiatrice est, de plus, mise à dure épreuve par la fragmentation de la milice. La reddition de nombreux chefs rebelles a rendu le mouvement moins monolithique. Souvent désavoués par la LRA, ceux qui ont choisi la voie du dialogue avec les autorités deviennent des interlocuteurs moins représentatifs et moins efficaces. Et le dirigeant suprême, Kony, reste insaisissable. Proposant des rendez-vous auxquels il n’assiste jamais, il accepterait, comme le soulignent certains des siens, de rencontrer la délégation gouvernementale si le principal médiateur était un homme. Mais Bigombe, élue en 1993 femme de l’année en Ouganda pour ses efforts de paix, a raison de rester optimiste. Grâce à sa fermeté et à la stratégie d’encerclement du mouvement, les rebelles ne sont plus que trois cents, alors que dans le passé on en comptait presque trois mille. Le processus de médiation pourrait en définitive se révéler moins long qu’elle ne l’avait envisagé après sa désignation.

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