À Paris comme à Rabat, le comédien marocain Jalil Tijani joue à domicile

« Jeux de société », premier one-man-show de Jalil Tijani remporte un franc succès au Maroc. Les premières représentations à l’étranger ravissent aussi un public de la diaspora. La recette : du classique, parfaitement ficelé.

L’humoriste Jalil Tijani dans son spectacle « Jeux de société » © Facebook

L’humoriste Jalil Tijani dans son spectacle « Jeux de société » © Facebook

CRETOIS Jules

Publié le 3 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Dans la file qui s’étire aux portes de la salle de spectacle L’Alhambra, à Paris, en darija et en français, deux jeunes Marocaines résidantes en France commentent leur galère du moment : le dossier pour demander la nationalité française. Sûrement étaient-elles de ceux qui ont ri aux éclats lorsque Jalil Tijani, sur scène, a abordé le sujet dans le même mélange de langues.

Depuis un an et demi environ, le trentenaire beau gosse joue son premier spectacle, Jeux de société. Dans la salle parisienne, ce 20 février, sur les 600 sièges tous occupés ou presque, la plupart le sont par des spectateurs marocains. L’hilarité est générale quand Tijani joue l’élève rbati, francophone patenté, qui n’aligne qu’avec difficultés quelques mots d’arabe.

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Passage par Kaboul Kitchen

Jeux de société, bilingue de la première à la dernière minute, porte bien son nom : une frise de personnages, qui tous, incarnent un trait : le racisme, la vantardise, la vanité… Quelques faits sociaux sont frontalement abordés, ainsi des postes hérités ou l’obséquiosité élevée au rang de culture d’entreprise, ou la novlangue des promoteurs immobiliers qui rivalisent toujours d’une triste imagination quand il s’agit de trouver des noms, plus ou moins en langue anglaise, censés renvoyer à un imaginaire paradisiaque, qui frisent systématiquement le ridicule.

Jalil Tijani joue sur plusieurs tableaux, varie les registres, du jeu de mots fin au pantomime, de la satire réaliste au plus pur burlesque : « Je… Je crois que j’ai une opinion… » râle un personnage qui fait face à son patron, prostré et mains sur le ventre en signe de douleur.

Çà et là, Tijani s’inspire de son propre vécu. Lui-même a étudié au lycée français Descartes, à Rabat, qu’on devine être le hors-champ de son sketch sur son bachelier bien mal à l’aise avec la langue de Mutanabbi. Il a aussi multiplié les allers retours entre la France, où après « l’éco-gé », il s’est frotté à la prestigieuse école du Jeu, à Paris. Avant d’écrire lui-même un show en solo, il multiplie les petites expériences, notamment un passage dans la série française humoristique Kaboul Kitchen, tournée au Maroc.

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Le Maroc avant New York et Montréal

Certains des ressorts du one-man-show de Tijani sont classiques. Les figures convoquées sur scène sont souvent croquées, sur Twitter, dans la rue, en soirée, et le jeune comédien n’est pas le premier à s’en emparer. Un de ses personnages rappelle « Madame Tazi », la bourgeoise croquée par le Casablancais Gad Elmaleh dans Décalages, dans les années 1990. Le point fort Tijani ? Il est bon, tout simplement. Le spectacle est bien écrit, les personnages se croisent, les vannes sont fluides. La mise en scène est épurée mais soignée, et son jeu parfaitement maîtrisé. Preuve que le travail paie.

Sur scène, Tijani a de l’énergie à revendre. Évoluant sur plus d’un an, Jeux de société a fini par devenir un spectacle d’environ une heure et demie. Depuis peu, le spectacle est produit par B.Line Events. Tijani a fait du chemin depuis cette vidéo partagée en 2015 sur Youtube, Game of Tkalekh (Les idiots, ndlr), dans laquelle il moquait les agresseurs d’un jeune homosexuel, répondant à un fait divers homophobe à Fès.

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Tijani jouera encore son spectacle les mois de mars et d’avril au Maroc, avant de s’envoler à New York et à Montréal, nous explique Ayla Mrabet, sa manager et directrice artistique. En route vers Genève, où il présente son spectacle, Tijani confesse son émotion : « Paris, j’y ai un peu galéré comme comédien, alors remplir une salle connue pour présenter des humoristes talentueux, y retrouver des amis avec qui j’ai appris ce métier… C’était un beau moment. » Mi-juin, l’artiste montera sur les planches au Marrakech du rire.

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