[Tribune] L’intégration continentale offre une nouvelle visibilité à l’Afrique
À l’heure des doutes sur l’efficacité de la coopération internationale et alors que certaines puissances menacent ouvertement de recourir à plus de protectionnisme, l’Afrique ambitionne de devenir un acteur se démarquant des jeux à somme négative.
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Arancha Gonzalez
Directrice exécutive, Centre du commerce international
Publié le 8 mars 2019 Lecture : 3 minutes.
Si la signature de l’accord portant création de la zone de libre-échange continentale, à Kigali, en mars 2018, n’a pas encore changé la donne commerciale pour les acteurs économiques, elle a néanmoins modifié le regard des partenaires de l’Afrique sur le continent. En sus de sa cinquantaine d’économies distinctes, pour la première fois leur est apparue la vision de ce qui pourrait être un nouveau bloc et un réservoir de croissance pour l’économie mondiale.
L’Afrique est une sorte de géant dont tout le monde parle, mais que personne n’avait encore vu. Alors que les projections indiquent qu’en 2030 un habitant sur cinq sera africain, l’accord de Kigali permet de mesurer l’envergure d’un marché que les investisseurs convoiteraient non plus pour ses matières premières mais pour son potentiel de valeur ajoutée et de consommation.
>>> À LIRE – Union africaine : l’Afrique face aux défis de la Zone de libre-échange continentale
Même si la route est encore longue, l’établissement d’une véritable zone de libre-échange continentale peut transformer l’Afrique en un espace de prospérité ouvert sur un monde plus vaste que celui de l’agrégat des intérêts nationaux.
Construire un écosystème favorable à l’essor des entreprises
Les dirigeants africains ont fait preuve d’une remarquable énergie politique et d’une grande volonté pour faire naître pareil projet, mais ce ne sera toutefois pas suffisant pour répondre aux attentes des populations. Il faut désormais s’atteler à la construction d’un écosystème des affaires favorable à l’essor d’entreprises capables de profiter des opportunités qui vont naître à l’échelle continentale.
Je vois à cela trois conditions :
• La première consiste à mesurer efficacement le processus d’intégration commerciale au sein du continent. L’Union africaine, en partenariat avec le Centre du commerce international et l’Union européenne, a annoncé en février la mise en place d’un Observatoire pour le commerce intra-africain. L’Observatoire a pour objectif de générer des données et des statistiques actualisées et fiables au service des différents acteurs économiques et politiques afin de déterminer à quel rythme d’intégration commerciale les économies africaines évoluent. Ce qui se mesure peut être géré, et ce qui est géré peut être amélioré.
• La deuxième est de s’assurer que les petites et moyennes entreprises (PME), levier crucial à la création d’emplois en faveur de la jeunesse et des femmes, contribuent activement à la construction de cette zone de libre-échange. Cela dépend nécessairement d’une meilleure compétitivité des PME qui passe par le renforcement de l’écosystème entrepreneurial et l’adaptation aux transformations du travail. Les investissements et les politiques publiques doivent se concentrer sur une meilleure employabilité et une formation adaptée aux exigences du marché de l’emploi.
• Enfin, la troisième repose sur le développement des chaînes de valeur fondées sur la complémentarité des économies et la diversification des secteurs, tout en les adaptant à la révolution numérique. La digitalisation des économies africaines est une réalité que les décideurs politiques doivent accompagner et non pas subir. La technologie, davantage que le commerce international, est le premier facteur de restructuration des chaînes de production. La récente décision de soixante-seize membres de l’Organisation mondiale du commerce, dont un seul africain, d’ouvrir des négociations sur le commerce électronique sera à cet égard un test important pour l’Afrique. L’adoption des règles sur le commerce digital doit à la fois servir à la création d’un marché africain, mais aussi à peser dans les négociations multilatérales qui définiront les règles du commerce du XXIe siècle, et non plus de simplement suivre celles conçues par d’autres, comme cela a pu être le cas par le passé.
Alors que les alliances stratégiques entre puissances se redessinent à l’échelle du globe, le continent doit aller au bout du processus d’intégration pour que l’on ne décide plus sans le consulter.
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