Tanger réveille l’Afrique du Nord

Le Maroc a pris une longueur d’avance face à des concurrents européens déjà saturés. L’Algérie et la Tunisie comptent bien combler leur retard.

Publié le 25 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Les experts le répètent depuis plusieurs années : la Méditerranée, où passe une partie considérable des flux maritimes, est saturée et les ports sont fondamentalement en sous-capacité. Ceux du sud de l’Europe, comme Marseille, investissent donc massivement dans d’immenses terminaux à conteneurs afin de booster leurs capacités d’accueil. À condition, bien entendu, qu’il soit bien positionné sur les routes maritimes, tout port qui se lance dans d’immenses chantiers semble en effet presque assuré d’un succès commercial. Le port de Malte, géré par CMA-CGM, ou celui de Gioa Tauro en Sicile, opéré par APM Terminals, sont partis de rien avant de s’imposer en quelques années comme des plates-formes incontournables au cur de la Méditerranée. Au sud de la zone, donc au nord de l’Afrique, la sous-capacité portuaire est peut-être encore plus frappante et devrait impliquer dans les années à venir des investissements de plusieurs milliards. Le Maroc, avec Tanger-Med, dont une première partie a été ouverte en juillet 2007, a pris une longueur d’avance à l’entrée occidentale de la Méditerranée. L’objectif du port est de porter sa capacité à terme à 3,5 millions de conteneurs. Deux terminaux ont déjà été concédés, l’un à APM Terminals, l’autre à Eurogate/CMA-CGM/MSC. Malgré l’ouverture de Tanger-Med, la saturation de la Méditerranée laisse toujours la voie libre au développement d’autres ports géants au Maghreb. À ce titre, les candidats les plus sérieux se trouvent en Tunisie et en Algérie. La Tunisie, qui envisage la création d’un terminal à conteneurs à Radès, entend surtout créer et développer un port à conteneurs majeur à Enfidha, avec un tirant d’eau pouvant atteindre les 18 mètres. En 2030, ce nouveau port pourrait avoir une capacité de 5,7 millions de conteneurs, nettement au-dessus de son concurrent marocain. 1,4 milliard de dollars sur 20 ans seraient nécessaires à la réalisation du projet. L’Algérie, qui se lance progressivement dans une remise à niveau globale de ses infrastructures portuaires, entend axer ses efforts sur trois sites différents, dont celui de Djen-Djen, la carte maîtresse de son nouveau dispositif portuaire. Le port, situé à quelques dizaines de kilomètres d’Alger, existe déjà mais le gouvernement entend susciter 300 millions d’euros d’investissements pour le relancer et porter sa capacité à 1,5 million de conteneurs par an. En tout, le gouvernement espère attirer 600 millions d’euros, dont 100 millions iraient à l’optimisation de l’actuel terminal d’Alger et 200 millions au développement de celui d’Oran. En Tunisie, qui a officiellement lancé son appel à manifestation d’intérêt pour Enfidha, comme en Algérie, les candidats semblent déjà se bousculer au portillon, malgré les sommes très importantes en jeu. Les trois compagnies maritimes européennes leaders étant déjà présentes à Tanger, ni AP Moller-Maersk, ni MSC, ni CMA-CGM ne devraient être chefs de file des mégaprojets d’Enfidha ou de Djen-Djen. Aider un port aussi proche de celui de Tanger n’aurait en effet guère de sens. Les principaux promoteurs des ports de transbordement algérien et tunisien devraient donc venir du golfe Persique ou d’Asie. L’émirati DP World fait déjà le forcing sur l’Algérie tandis que, selon les autorités tunisiennes, Kuwait Gulf Link Transport, l’équivalent koweitien de DP World, serait sur les rangs pour Enfidha. Parmi les autres prétendants envisageables figurent aussi les deux premiers opérateurs portuaires mondiaux, les asiatiques HPH et PSA, mais aussi le chinois Cosco, également transporteur maritime. Longtemps absents d’une zone jusqu’ici réservée aux Européens, les Asiatiques cherchent, semble-t-il, à se développer en Méditerranée. Ils l’ont déjà fait en Égypte, à l’entrée orientale de la Méditerranée, où de très grands projets sont en cours, et devraient donc logiquement se développer plus à l’Ouest.

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