Présidentielle aux Comores – Azali Assoumani : « Nous devons lancer une véritable politique de décentralisation »

Réforme constitutionnelle controversée, crise sur l’île d’Anjouan, poids des douze candidats de l’opposition… Le président comorien Azali Assoumani, qui concourt à la présidentielle du 24 mars prochain, revient sur les enjeux du prochain scrutin organisé suite à la nouvelle Constitution.

Le président des Comores Azali Assoumani à Paris en France, le 4 octobre 2016. © Christophe Ena/AP/SIPA

Le président des Comores Azali Assoumani à Paris en France, le 4 octobre 2016. © Christophe Ena/AP/SIPA

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Publié le 1 mars 2019 Lecture : 5 minutes.

Opération de vote à Moroni, Comores, lors du référendum constitutionnel, le 30 juillet 2018. © TONY KARUMBA / AFP
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Présidentielle aux Comores : Azali Assoumani face à douze candidats de l’opposition

Candidat à sa propre succession, Azali Assoumani fait figure de favori à la présidentielle du 24 mars. Face à lui, douze candidats entendent cependant faire mentir les pronostics. De Mouigni Baraka Saïd Soilihi, l’ancien gouverneur de la principale île de l’archipel, Ibrahim Ali Mzimba, l’ancien ministre des Affaires étrangères, ou Hamidou Karihila, ancien fidèle du président, portrait de ses principaux adversaires.

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Alors que les candidats à la présidentielle du 24 mars prochain sont officiellement en campagne depuis le 20 février, Azali Assoumani fait déjà figure de favori. Le président, élu en 2016, est le grand artisan de la réforme constitutionnelle adoptée par le pays en juillet 2018, conformément aux conclusions des assises nationales organisées à travers le pays début 2018. Si cette nouvelle Constitution conserve le principe de la présidence tournante entre les trois îles (Grande Comore, Anjouan et Mohéli), le mandat de cinq ans est renouvelable une fois, contre un seul quinquennat autorisé auparavant.

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Face au président sortant, 12 candidats de l’opposition, dont certaines personnalités émergent : Mouigni Baraka Saïd Soilihi, ancien gouverneur de la Grande Comore et déjà candidat en 2016, ou Fahmi Saïd Ibrahim, l’homme de confiance de Mohamed Ali Soilihi, dit « Mamadou », l’ancien ministre des Finances des présidents Sambi et Ikililou Dhoinine. Onze d’entre eux se sont constitués en collectif pour dénoncer le climat répressif mis en place par le régime, mais chacun d’entre eux reste candidat.

S’ils se présentent en ordre dispersé, les opposants ont déjà pris l’engagement de se réunir derrière une candidature unique en cas de second tour, prévu le 21 avril. D’ici aux élections, Jeune Afrique met un coup de projecteur sur l’archipel, en donnant la parole aux prétendants les plus sérieux. Premier volet avec le premier des Comoriens, Azali Assoumani, déjà président entre 2002 et 2006, qui se voit réélu dès le premier tour.

Jeune Afrique : Beaucoup d’observateurs annoncent déjà votre victoire dès le premier tour. C’est aussi votre avis ?

Azali Assoumani : Les douze candidats qui se revendiquent de l’opposition risquent en effet de s’affaiblir les uns les autres, mais c’est leur problème. Je suis satisfait de voir que la majorité présidentielle a fait preuve de discipline en se regroupant derrière ma candidature. Nous disposons aujourd’hui d’une unité que l’opposition ne peut que nous envier.

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Celui qui gagnera l’île d’Anjouan aura de fortes chances d’être élu à la tête de l’État. Vous aviez remporté l’île en 2016, grâce au soutien du parti Juwa de l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, aujourd’hui placé en résidence surveillée dans le cadre de l’affaire de la citoyenneté économique. Pensez-vous convaincre les Anjouanais sans son aide ?

Ce n’est pas grâce à son soutien que j’ai été élu à l’époque à la tête de l’État, contrairement à ce qu’affirment ses partisans.

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Les Anjouanais semblent pourtant être très méfiants vis-à-vis de la révision constitutionnelle adoptée en juillet. Pensez-vous leur avoir bien expliqué les raisons de cette réforme ?

Cette réforme est surtout refusée par ceux qui avaient des ambitions personnelles. La population a majoritairement soutenu ce changement, car il va pousser le président à être performant durant son premier mandat s’il veut être réélu. Autre évolution importante, les candidats ne sont plus choisis par une île, comme précédemment, mais par l’ensemble du pays. Chacun doit donc disposer de relais efficaces sur chaque île et non plus se contenter de faire le plein de voix dans son fief. Pour moi, tout cela va dans l’intérêt du pays.

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Vous présentez cette réforme comme un gage d’unité, mais les événements survenus à Anjouan en octobre (des rebelles s’étaient retranchés dans le centre-ville), lorsque l’armée a montré que la question du séparatisme restait d’actualité sur cette île. Comment analysez-vous cette situation ?

L’espace vital sur cette île est très réduit et oblige la population à aller vivre ailleurs. Le problème d’Anjouan est donc lié à des conditions de vie difficiles, que certains cherchent à manipuler à des fins politiques, comme cela a été le cas l’année dernière. Nos forces armées ont heureusement pu les repousser en dehors de l’île, où elles sont aujourd’hui cantonnées pour rassurer la population et surtout éviter de nouvelles attaques. Nous devons rester vigilants, même si nous savons que la solution ne sera pas sécuritaire, mais bien économique. C’est en luttant contre la précarité, en donnant du travail aux jeunes, que nous écarterons le danger du séparatisme.

Nous devons lancer une véritable politique de décentralisation qui doit rapprocher l’État de ses citoyens et veiller au rééquilibrage entre les îles

Quelle solution préconisez-vous ?

Nous avons commencé à investir sur l’île, dans les infrastructures, comme l’hôpital inauguré en 2017, ou le port en eaux profondes de Mutsamudu, la capitale de l’île dont les travaux vont démarrer prochainement. D’autres investissements sont prévus sur Anjouan mais également sur Mohéli, car nous devons lancer une véritable politique de décentralisation qui doit rapprocher l’État de ses citoyens et veiller au rééquilibrage entre les îles. Si nous réussissons cela et que dans le même temps nous améliorons les conditions de circulation des biens et des personnes, au sein de l’archipel, alors nous cimenterons la nation comorienne.

Vous insistez ces derniers jours sur la sécurisation de l’élection à venir. Que craignez-vous ?

Rien de particulier, mais tout est possible. Le plus important pour le pays est de pouvoir organiser des élections crédibles capables de rassurer la communauté internationale. Sans cette crédibilité, nous ne pourrons pas relancer efficacement le pays.

Dire que j’ai voulu cette révision constitutionnelle pour rester au pouvoir est faux

En cas de réélection, vous engagez-vous cette fois à ne plus changer les règles du jeu en cours de mandat ?

Je tiens à rappeler que je n’ai pas demandé cette réforme constitutionnelle. Elle fait suite aux assises nationales dont le principe a été lancé dès 2013 par mon prédécesseur. Dire que j’ai voulu cette révision pour rester au pouvoir est faux. Je n’ai jamais agi de la sorte, pas plus cette fois que lors de mes précédents mandats.

Quelle sera votre priorité si vous sortez vainqueur de cette élection ?

Je veux profiter de ce mandat pour commencer à préparer ma succession. La continuité de l’État n’a jamais été assurée dans ce pays jusque-là et à chaque nouveau président nous donnons l’impression de repartir de zéro. Cela doit changer et mon souhait est de voir un jour mon successeur poursuivre ce que j’ai commencé.

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