[Tribune] Cinéma : « Oscars so black »
Jamais dans l’histoire de l’Académie des Oscars autant de talents issus de la communauté africaine-américaine n’avaient été récompensés, et plusieurs films primés en 2019 mettent l’accent sur le racisme subi par les Noirs.
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Michel Bampély
Sociologue des mondes de l’art et de la culture, à Paris.
Publié le 6 mars 2019 Lecture : 2 minutes.
En 2016, des figures du cinéma hollywoodien telles que Spike Lee ou Jada Pinkett-Smith dénonçaient avec le slogan « Oscars so white » le manque de mixité parmi les lauréats de cette prestigieuse cérémonie et décidaient de la boycotter. La cuvée 2019 viendra peut-être mettre fin à la polémique : jamais dans l’histoire de l’Académie autant de talents issus de la communauté africaine-américaine n’avaient été récompensés, et plusieurs films primés mettent l’accent sur le racisme subi par les Noirs.
Couronné du prix du meilleur film et du prix du meilleur second rôle masculin, décerné à Mahershala Ali, Green Book raconte la ségrégation raciale dans l’Amérique des années 1960. Le long-métrage tire son nom du livre de voyage destiné aux Noirs où étaient consignés les lieux qui leur étaient autorisés ou interdits à travers les États-Unis.
Jamais autant de talents africains-américains n’avaient été récompensés
Chez les femmes, Regina King, une autre comédienne noire, a reçu l’oscar de la meilleure actrice pour son second rôle dans Si Beale Street pouvait parler, de Barry Jenkins, tiré d’un livre de James Baldwin, qui montre que la justice n’est pas la même pour tous. Et c’est un autre long-métrage explorant les tensions raciales et la ségrégation qui a remporté l’Oscar du meilleur scénario adapté : BlacKkKlansman, du très militant Spike Lee. Fondé sur une histoire vraie, il met en évidence la bêtise crasse du Ku Klux Klan des années 1970. Quant à Spider-Man: New Generation, qui raconte l’histoire d’un adolescent adepte de la culture hip-hop, né d’un père africain-américain policier et d’une mère infirmière portoricaine, il a été sacré meilleur film d’animation.
Hollywood se rachète
Un peu comme si, pris en faute, Hollywood, qui réalise de colossaux bénéfices à l’international en se nourrissant de la diversité sans pour autant la valoriser, voulait se racheter. On a donc assisté, le temps de cette 91e édition, au triomphe de l’idéologie antiraciste et multiculturelle. Les Noirs et les Latinos ont assuré la représentation de leurs communautés en portant des films à succès tant commerciaux que critiques.
Certains déploreront peut-être un trop-plein de bons sentiments. Soit. Mais doit-on bouder son plaisir ? Pas quand les Oscars donnent à voir cette belle image de deux générations de Noirs, l’ancienne, incarnée par Spike Lee, et la nouvelle, portée par Ryan Coogler, réalisateur de Black Panther. Pas quand ils confirment que le cinéma de Marvel est devenu, en moins d’une décennie, une formidable entreprise de métissage. L’équipe de ce blockbuster est repartie avec trois statuettes saluant ses prouesses artistiques et techniques (musique, décors et costumes). Et a redonné espoir à l’Afrique : celui de voir enfin l’une de ses créations devenir meilleur film étranger.
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