Pourquoi Musharraf s’accroche
Les élections législatives du 18 février l’ont confirmé : le général-président est rejeté par l’écrasante majorité de la population. Pourtant, paradoxalement, les résultats du scrutin confortent plutôt sa position.
Les partisans du président Pervez Musharraf ne se faisaient guère d’illusions quant à leur score aux élections législatives du 18 février, mais ils ne s’attendaient certainement pas à une telle déroute : ils ne recueillent finalement que 37 sièges, dans une Assemblée qui en compte 362. L’ampleur de leur défaite est toutefois atténuée par le fait qu’aucun parti d’opposition n’est en position de gouverner seul. Selon les premiers résultats, le Parti populaire pakistanais (PPP), de la défunte Benazir Bhutto, n’obtient que 87 sièges, et la Ligue musulmane pakistanaise (PML-N), de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif, seulement 66.
Autre enseignement du scrutin : le recul des fondamentalistes, regroupés cette fois au sein de l’alliance Mutahida Majlis e-Amal (MMA). Alors qu’ils disposaient de 50 sièges (plus de 17 %) au sein de l’Assemblée élue en 2002, ils n’en comptent plus que 3 (moins de 1 %). Les grands responsables de cette Bérézina sont les laïcs pachtounes de l’Awami National Party (ANP), qui ont infligé aux islamistes une cinglante défaite dans leur fief de Peshawar.
« Pas question de démissionner »
Malgré la catastrophe électorale, Musharraf – réélu, au mois d’octobre, par un Parlement qui ne reflétait pas l’état réel de l’opinion – n’a rien perdu de ses certitudes. « Pas question de démissionner », a-t-il confirmé, le 20 février, au quotidien américain The Wall Street Journal. Son assurance se fonde sur trois éléments objectifs.
Le premier est que ses deux ennemis, le PPP et la PML-N, auront sans doute, même s’ils ont annoncé le 21 février la conclusion d’un programme commun de gouvernement, des difficultés à conclure une alliance solide et durable, en raison du lourd contentieux opposant Ali Asif Zardari, veuf de Benazir et nouveau patron du PPP, à Nawaz Sharif. Quand il était aux affaires, ce dernier avait, à plusieurs reprises, expédié Zardari en prison sous une accusation de corruption que l’intéressé a toujours contestée. En outre, les deux partis chassent sur les mêmes terres électorales, le Pendjab.
S’ils manifestent une commune hostilité à l’égard du régime dictatorial de Musharraf, ils divergent à propos de la menace représentée par les islamistes. Sharif n’exclut pas de s’allier avec eux, alors que le PPP, qui se présente comme « progressiste », ne veut même pas en entendre parler. Autre différence fondamentale : Sharif exige la démission de Musharraf, quand le PPP se contenterait de le voir inaugurer les chrysanthèmes.
Enfin, la question de la réhabilitation de l’incommode juge Iftikhar Mohammed Chaudhry, le président de la Cour suprême destitué l’an dernier pour avoir contesté la constitutionnalité de la réélection de Musharraf, pourrait constituer une autre pomme de discorde : la PML-N est carrément pour, le PPP apparemment plus réservé.
Le deuxième tient à la configuration politique qui se dégage du scrutin du 18 février. Seule, en effet, une opposition disposant des deux tiers des sièges au Parlement serait en mesure de destituer Musharraf, ou, dans l’hypothèse d’une cohabitation, de lui mener la vie dure. Or les premiers résultats montrent qu’aucune alliance n’est en mesure de réunir les 242 députés requis.
Négociations ardues
Même si Zardari et Sharif sont (momentanément ?) parvenus à faire abstraction de leur rivalité personnelle et de leurs divergences politiques, l’addition de leurs députés ne peut aboutir qu’à une majorité relative. Le renfort des Pachtounes de l’ANP serait alors indispensable. Problème : cette dernière formation rejette toute idée d’alliance avec Nawaz Sharif, à qui elle ne pardonne pas ses compromissions avec les islamistes du MMA. Les consultations engagées le 21 février promettent donc d’être longues et ardues. Outre la désignation du futur Premier ministre, elles portent évidemment sur la répartition des portefeuilles au sein du futur gouvernement.
Le troisième élément qui devrait inciter Musharraf à s’accrocher au pouvoir tient au fait que le scrutin s’est déroulé dans de relativement bonnes conditions. La participation (40 %) n’est pas inférieure à celles enregistrées lors des consultations précédentes et personne ne dénonce d’irrégularités majeures. De ce point de vue, le général-président a tenu sa promesse.
Par ailleurs, la menace d’une arrivée au pouvoir des islamistes par les urnes se trouve, au moins provisoirement, écartée. Nul doute que l’allié américain en saura gré à Pervez Musharraf.
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