Menaces sur les deux géants

La forte croissance des échanges commerciaux entre l’Afrique et le monde attire de nouveaux transporteurs sur un marché jusqu’alors peu concurrentiel.

Publié le 25 février 2008 Lecture : 3 minutes.

CMA-CGM et Maersk : jamais le transport maritime en Afrique n’aura été à ce point associé à ces deux noms. Les armateurs européens se sont imposés sur le continent en rachetant des acteurs centraux du transport africain, Delmas fin 2005 pour CMA-CGM, Safmarine en 1999 puis P&O Nedlloyd en 2005 par Maersk. Respectivement numéro trois et numéro un mondial du transport en conteneurs, CMA-CGM et Maersk sont presque dans une situation de duopole, dans laquelle deux acteurs, forts de leurs réseaux mondiaux, font la pluie et le beau temps sur les mers ouest-africaines. Mis à part les deux géants, quelques rares spécialistes sont encore présents sur la zone. Parmi eux, Nile Dutch, très actif sur l’Angola ou la RD Congo, ou le sud-africain Grindrod. Pour le reste, sur les dix premiers armateurs mondiaux, huit ont longtemps été absents ou presque des ports d’Afrique subsaharienne. Certains auraient même une sorte de méfiance envers le sud du Sahara
Respectivement quatrième et septième armateurs mondiaux, « Hapag-Loyd et Evergreen ne veulent pas y aller », souligne Yann Alix, professeur à l’École de management de Normandie, en France, et expert maritime. Mais, malgré les réticences, le tableau évolue de jour en jour. Pour la première fois, quelques-uns des autres géants du transport conteneurisé font leur apparition dans les ports africains. Les concurrents de Maersk et CMA-CGM arrivent sous leurs propres bannières. MSC a ainsi ouvert en 2006 sa filiale togolaise et rayonne désormais à partir de Las Palmas, dans les Canaries, vers la plupart des ports du golfe de Guinée. Le groupe suisse dessert par ailleurs l’Afrique du Sud depuis l’Inde et l’Asie. Plus modestement, China Shipping s’est lancé en nom propre depuis un peu plus d’un an en créant un service mensuel de l’Asie vers l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Togo, le Bénin et le Ghana. Cosco, qui s’est lancé doucement sur la zone, pourrait y exploser s’il mène à terme le mégaprojet (plus de 10 milliards de dollars) de port en eau profonde à Olokola, au Nigeria. « À la différence des deux leaders historiques, ces nouveaux concurrents arrivent par l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient, en passant notamment par Durban », souligne Yann Alix. Un changement radical : jusqu’à présent, en effet, les lignes maritimes vers l’Afrique, notamment celles de Delmas, étaient surtout envisagées à partir de l’Europe. Évidemment, la spectaculaire croissance chinoise et l’explosion des échanges entre l’Asie et l’Afrique sont passées par là. Si, pour une grande partie, le continent envoie vers la Chine du pétrole, impliquant le recours à des tankers et non à des lignes régulières conteneurisées, l’empire du Milieu inonde quant à lui l’Afrique de produits transformés, nécessitant l’utilisation de conteneurs.

China Shipping en embuscade
Dans le sens Afrique-Asie, d’autres matières premières sont envoyées en conteneurs : les produits agricoles, bien sûr, mais aussi les grumes, dont la Chine est depuis quelques années le premier acheteur. Du coup, CMA-CGM et Maersk mettent eux aussi un coup d’accélérateur sur les lignes les plus directes entre l’Asie et l’Afrique, c’est-à-dire celles passant par la pointe australe du continent. Le groupe français a ainsi décidé de mettre un maximum de moyens sur ses services en provenance d’Asie et en direction d’Afrique de l’Ouest via Maurice ou Durban, tout en proposant des services directs entre l’Asie et les ports du littoral est-africain. Maersk, quant à lui, propose désormais autant de services en provenance de son hub d’Algeciras, en Espagne, que de lignes venant d’Asie et contournant Durban ou rejoignant directement l’Afrique de l’Est. Les deux géants des mers africaines se doivent d’être présents face à la montée probable des armateurs asiatiques, tels que China Shipping ou Cosco. Le continent est en effet un terrain juteux. Entre 2005 et 2006, le chiffre d’affaires de Delmas a progressé de 11 % pour atteindre 1,19 milliard de dollars, soit 18 % des revenus de CMA-CGM. La filiale génère près d’un quart des bénéfices du groupe. Difficile de savoir ce que représente l’activité Afrique pour le groupe AP Moller-Maersk, mais le continent y pèse certainement lourd : outre le transport maritime avec Maersk, le groupe compte aussi une présence plus importante dans les opérations portuaires que CMA-CGM, qui ne s’y est lancé que récemment et toujours allié avec des partenaires majoritaires. Le Danois, lui, gère quelques grands ports de la région, dont Apapa au Nigeria ou Luanda en Angola.

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