Le Cap, la « cité-mère »

Publié le 25 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Elle domine la ville et surplombe l’océan. Majestueuse, la Table Mountain (la « Montagne de la Table ») a stoppé net les colons hollandais au XVIe siècle dans leur course vers les Indes. Les Boers sont venus s’y réfugier, bousculés par l’océan en furie du cap de Bonne-Espérance, et y ont fondé « la cité-mère », Le Cap.
La montagne, qui doit son nom à son sommet en plateau, a vu la cité portuaire se transformer en mégapole de trois millions d’habitants. À ses pieds, les hommes se sont déchirés, exclus, ils se sont haïs puis réconciliés. Pour une question de couleur. Le pays en noir et blanc s’est transformé en nation arc-en-ciel. La montagne est restée digne. Il semble que la bêtise humaine ait glissé sur elle comme la brume dégouline lentement sur ses flancs chaque matin.
Devant elle, les quartiers de Sea Point et de Camps Bay étalent ostensiblement leurs richesses. Eldorado pour les touristes européens venus respirer le luxe à moindre coût. Repaire de la jet-set sud-africaine, qui sirote des cocktails au son de l’électro. Les palmiers se succèdent. Les plages se déroulent à perte de vue. Les surfeurs pataugent et les joggeurs battent le macadam. Leur regard est tourné vers l’horizon, en direction de Robben Island. L’île au large du Cap où Nelson Mandela a été emprisonné dix-neuf ans de sa vie est noyée dans l’écume des vagues.
Derrière les plages, les tours vitrées du Central Building District (CBD) rivalisent de hauteur, empiétant avec négligence sur les flancs de la montagne. À peine le soleil se cache-t-il derrière la Table Mountain que les bureaux se vident et les porteurs d’attachés-cases se ruent en grappes dans leur voiture fermée à double tour. Les minibus ralentissent leur va-et-vient incessant et bientôt le crépuscule étouffe le cri des klaxons. Si Le Cap n’est pas la ville la plus dangereuse de l’Afrique du Sud, la peur y est omniprésente. Après 18 heures, les avenues du CBD deviennent un labyrinthe sombre et inquiétant. Les hommes d’affaires sont partis rejoindre leur banlieue aseptisée.
Plumstead, Newlands, Groot Constantia, les quartiers blancs se suivent et se ressemblent. Les mêmes barreaux aux fenêtres, les mêmes alarmes, les mêmes tessons de bouteille sur les murs et fils électriques aux portails. On sort rarement de son cocon de verdure luxuriante, sauf pour aller au centre commercial.

À chacun son ghetto
Au-delà des maisons avec piscine, juste derrière le golf et l’aéroport, les townships s’étalent à perte de vue. On dit que ces ghettos sont les cicatrices de l’apartheid. Ils sont en tout cas le témoignage d’inégalités tenaces. En 1966, le centre-ville avait été déclaré « zone blanche », et 100 000 personnes ont été expropriées selon les codes raciaux : Indiens, juifs, anciens esclaves d’Asie du Sud-Est, métis, Noirs. À chacun son ghetto.
Éventré par l’autoroute, écartelé entre les voies de chemin de fer et une rivière nauséabonde, Khayelitsha est le plus grand township de la péninsule. Deux routes le traversent, le reste n’est qu’un dédale de ruelles boueuses. Les maisonnettes en tôle, recouvertes par des bâches de couleur, s’étendent sur plus de trente kilomètres. Officiellement, il y aurait 330 000 habitants mais, avec l’exode rural accéléré, ils dépassent largement le million. Drogue, sida, analphabétisme, chômage, on est bien loin ici des plages dorées de la côte. Et pourtant si près. Dans les bars, où l’alcool coule à flots, des pancartes rappellent que les armes à feu sont interdites et l’on commande ses bières à travers le grillage bosselé. Le week-end, on sort les sonos et les barbecues, les voitures cylindrées et les filles. Et à l’horizon, la silhouette de la montagne découpe le ciel bleu de son contour acéré.

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