Fraude fiscale « kolossale »

Pour échapper à l’impôt, un millier de contribuables fortunés investissaient leurs économies dans la très complaisante principauté du Liechtenstein. Montant de l’évasion : 4 milliards d’euros !

Publié le 25 février 2008 Lecture : 3 minutes.

À en croire la chancelière Angela Merkel, l’ampleur du scandale « dépasse tout ce qu’on pouvait imaginer ». À sa suite, l’Allemagne tout entière a découvert avec stupéfaction qu’un millier de contribuables fortunés sont, depuis le 18 février, visés par des perquisitions destinées à retrouver trace de 4 milliards d’euros « évadés » dans la principauté du Liechtenstein. Ce micro-État de 35 322 habitants, coincé entre la Suisse et l’Autriche, tire 30 % de son produit intérieur brut des activités de ses quatorze banques et figure sur la liste noire des paradis fiscaux « non coopératifs » établie par l’OCDE.
L’affaire commence comme un roman d’espionnage. Au début de 2006, un ancien salarié de la banque Liechtenstein Global Trust (LGT), établissement contrôlé par la famille régnante, contacte le BND, les services secrets allemands. Il propose de leur fournir un CD contenant un millier de noms d’Allemands ayant investi leur épargne, de manière aussi frauduleuse qu’anonyme, dans une des « fondations » de LGT. Car le Liechtenstein n’est pas tenu d’informer les pays concernés de l’identité de leurs ressortissants ayant investi dans ces fondations. Les intérêts de l’argent ainsi mis à l’abri ne sont imposables ni en Allemagne ni au Liechtenstein.
Le ministre des Finances, le social-démocrate Peer Steinbrück, ayant donné son feu vert, l’informateur est longuement « cuisiné » par les limiers du fisc. La qualité de ses informations ayant été établie, il perçoit une jolie prime de 4,2 millions d’euros. « De l’argent bien placé », selon un porte-parole du ministère. Le fisc compte bien en effet récupérer entre 300 millions et 400 millions d’euros. Outre de très fortes amendes, les contrevenants risquent une peine maximale de dix ans de réclusion.
Qui sont-ils ? « Des chefs d’entreprise, des cadres supérieurs, des sportifs, des artistes et des personnalités de l’audiovisuel », répondent les médias. « Des élites cupides qui risquent de mettre en danger notre économie sociale de marché », s’emporte Steinbrück. Un seul patron d’une société inscrite au DAX, l’indice de la Bourse de Francfort, a été pris la main dans le sac : Klaus Zumwinkel, 64 ans, président du directoire de la Deutsche Post et président du conseil de surveillance de Deutsche Telekom, qui a reconnu avoir dissimulé 1 million d’euros. Cet aveu a eu un énorme retentissement en raison de la réputation de rigueur de l’intéressé, qui mettait un point d’honneur à payer de sa poche les timbres de sa correspondance privée et prônait la mise en place de « fondamentaux éthiques robustes » dans les entreprises. Il a démissionné le 18 février, à la demande de la chancelière.
Cette affaire est loin d’être la première du genre. On se souvient peut-être que, dans les années 1990, l’ancien chancelier Helmut Kohl avait été convaincu de financement illégal de son parti démocrate-chrétien, via – déjà ! – le Liechtenstein. Par la suite, le directeur des ressources humaines de Volkswagen a été contraint de reconnaître qu’il versait des pots-de-vin à des syndicalistes, tandis que l’existence de « caisses noires » au sein de Siemens a coûté leur place à plusieurs dirigeants du groupe.
La révélation de ces magouilles tombe on ne peut plus mal pour les grands patrons allemands. Une étude du cabinet de conseil Kienbaum, publiée le 18 février, établit que leur rémunération moyenne a progressé de 17,5 % en 2007. Frank Bsirske, le président du syndicat Verdi, a donc beau jeu de dénoncer ces dirigeants qui « prônent la modération salariale, alors qu’eux-mêmes se remplissent les poches ».
Recevant, le 20 février à Berlin, Otmar Hasler, le chef du gouvernement du Liechtenstein, Merkel lui a demandé de revoir la réglementation des banques et des fondations de son pays, afin d’en améliorer la transparence. Le scandale ne devrait d’ailleurs pas se circonscrire à ces deux pays, puisque l’argent placé au Liechtenstein est géré, en francs suisses, dans la Confédération helvétique, où le secret bancaire reste la règle et où l’évasion fiscale est considérée comme l’un des beaux-arts.

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